Our family [Pv Kaïri]

J’avais l’impression d’avoir fait un bond en arrière.

-Raclure ! Va crever en Enfers !
- Je viens des Enfers, idiot. Bon, je t’ai accordé une dernière volonté, il est grand temps d’en finir.

Je fixai l’homme qui se trouvait à mes pieds - plus mort que vif - avant de me saisir de sa lance de la lui planter en pleine poitrine. Une fois qu’il eut rendu son dernier souffle, je trainais sa carcasse jusqu’à la fontaine de la grande place de Moonlight City et le déposai au pied de celle-ci. Je fixai le cadavre avec un air de dégoût tandis que je pensais à ce que je devais faire avec. Noctis était un sadique taré et tordu…

* Et c’est encore moi qui me tape le sale boulot, pour pas changer… *

Il y a deux jours de cela, un haut milicien avait lancé une mission de “nettoyage” dans le quartier de la rue de l’Ombre. Malgré l’organisation instaurée par mon monstre de frère sur la portion de territoire qu’il avait conquis, les pertes furent conséquentes pour lui et il comptait bien le faire payer. Il m’avait donné l’ordre de retrouver le commanditaire de cette expédition et de le tuer, à titre d’exemple. Il avait décrété que sa mort devait servir à la fois d’exemple et d’avertissement, que cela devait susciter l'effroi de la population et faire réfléchir à deux fois les autorités de la ville avant de s’attaquer à lui. Et voilà comment je me retrouvais à planter la tête dudit haut milicien sur le sommet de la fontaine de la grande place…

J’avais l’impression d’avoir fait un bond dans le passé, d’être retourné à cette époque où je suivais aveuglément Noctis dans ses plans, sans vraiment me soucier des conséquences et ne songeant qu’aux combats qui se profilaient et au chaos que j’allais semer. Sauf qu’à présent, les choses étaient totalement différentes. Je ne prenais plus aucun plaisir à semer le trouble là où j’allais et tuer me rebutait au plus haut point.  Je n’avais aucunement envie de participer aux machineries machiavélique de Noctis, mais j’y était pourtant bien obligé. C’était le prix à payer pour ne pas avoir pu protéger ma famille…

Cela devait faire un mois maintenant que Noctis avait fait basculer nos vies à Kaïri et moi en enlevant nos enfants et en tuant Ryu. Malgré mes promesses, j’avais laissé ma tendre moitié sur la touche afin de retrouver Sora et Naminé. Alors que je pensais pouvoir arracher les jumeaux des mains de Noctis - quitte à y laisser la vie - tout se passa comme ce monstre l’avait prévu. Je fus obligé de me ranger sous ses ordres de nouveau, au risque que Naminé y laisse la vie. Cette ordure avait pris ma fille, sa propre nièce, en otage. Il avait réussi, je ne sais comment, à introduire Tease  à l'intérieur de Naminé. Au moindre faux pas de ma part, le familier de mon frère se ferait une joie de tuer ma fille de l’intérieur. Rien que d’y penser, je sentais mon coeur se serrer. J’avais envie d’hurler ma rage et ma colère. Mais je me contentai de retourner au QG de Noctis, couvert de sang. J’étais totalement impuissant face à cette situation et cela me rendait fou. J’avais beau retourner le problème dans tous les sens, je ne voyais pas comment faire pour ramener les choses à la normale.

Le jour pointai doucement le bout de son nez alors que j’arrivais à destination. Je pénétrai dans l’immense bâtisse que mon frère avait choisi pour repaire et allai directement dans mes quartiers. J’entrai le plus silencieusement possible, dans le but de ne pas réveiller Naminé et me laissai tomber sur le lit. J’étais complètement épuisé et je ne mis pas longtemps à m’endormir. Cependant, le repos fut de courte durée puisque deux heures plus tard, les pleurs de ma fille retentirent, me faisant sursauter au passage. Encore à moitié endormi, je me levai pour m’occuper d’elle. Cependant, elle ne semblait pas vouloir cesser de pleurer. J’en devinais facilement la cause.

- Je sais ma princesse… Ils me manquent, à moi aussi.

Oui, pour me manquer, Sora et Kaïri me manquaient énormément. Sans eux, j’avais l’impression de n’être que l’ombre de moi-même. J’aurais sans doute mis fin à mes jours si Naminé n’était pas présente à mes côtés. C’est elle qui me permettait de tenir le coup. Je ne pouvais pas flancher. Complètement perdu dans mes pensées, je sursautai lorsque la porte de ma chambre s’ouvrit dans un grand fracas. C’était Noctis. Il semblait passablement énervé et je devinais facilement ce qui le mettait dans un état pareil.

- Fais-la taire… Fais-la taire ou je te jure que je l’égorge vive.- C’est bon… On va sortir quelques heures.Soufflais-je avec exaspération.

Face à cette déclaration, mon frère me lança un regard rempli de suspicion. Je soupirai et levai les yeux au ciel.

- C’est bon… Ou tu veux que j’aille ? Je ne vais pas m’enfuir alors que tu as transformé ma fille en une véritable bombe à retardement…
- Je veux que tu sois ici pour le début de soirée, compris ?

J'acquiesçai et prépare Naminé pour sortir dehors. J’avais une idée précise en tête, une idée un peu risquée mais je ne pensais pas craindre grand chose, tout de même.

- On va aller dire bonjour à ta mère et ton frère. Qu’en dis-tu ?Murmurais-je à Naminé avec un grand sourire.

Je me réjouissais d’avance de les voir !

Pourtant, une fois face à la petite maison que j’avais occupé pendant des mois, je sentis une angoisse sans nom me gagner. J’avais peur de la réaction de Kaïri. Elle n’allait pas me sauter dans les bras, je le savais très bien, mais je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Elle devait toujours m’en vouloir, c’était certain. J’avais rompu notre promesse - à deux reprises puisque j’avais dû la laisser pour rejoindre Noctis-  et je l’avais littéralement abandonnée. De plus, je n’étais revenu qu’avec un seul de nos trésors, ce qui l’avait complètement détruite, tout comme moi. L’accueil allait être glacial, à n’en pas douter...

Je pris une grande bouffé d’air afin de me donner du courage et pénétrai dans la petite maison. Elle semblait vide, à mon plus grand étonnement. J’appelai pour voir s’il y avait quelqu’un mais n’ayant pas de réponse, je décidai de sortir Naminé de sa poussette. Alors qu’elle était dans mes bras, je la sentis se tortiller comme jamais. Intrigué, je portai mon regard dans la même direction que la petite ange et remarquai que sa mère se trouvait en haut des escalier. A la vue de Kaïri, mon coeur rata un battement. Je dû me faire violence pour ne pas la rejoindre le plus rapidement possible et la serrer dans mes bras. Je ne savais pas du tout quel genre d’accueil elle me réservait…

Elle m’en voulait terriblement.

Il suffisait que je plante mon regard dans le sien pour me rendre compte à quel point Kaïri pouvait m’en vouloir.

Dès qu’elle nous avait apperçu, elle s’était élancée dans notre direction et avait saisi notre fille dans ses bras. Elle la couvrit aussitôt de mille baisers et mots doux. Ce spectacle m’attendrit. Depuis combien de temps je ne les avais pas vues réunies et si heureuses ? Bien trop longtemps, sans doute. J’avais l’impression d’être de retour à ces jours heureux où nous vivions tous réunis dans cette petite maison.

Mais la réalité me rattrapa bien vite.

La belle ange avait reporté son attention sur moi, son expression avait littéralement changé. Son regard jusqu’alors empli de tendresse s’était refroidi lorsqu’il avait croisé mes pupilles dorées et son visage jusqu’alors radieux était devenu des plus froids. jamais je n’avais vu Kaïri regarder quelqu’un avec une telle expression. Je n’aurais jamais imaginé qu’elle me regarderait ainsi un jour d’une telle façon, comme si j’étais le pire des monstres. Je m’attendais évidemment pas à être accueilli à bras ouverts mais je n’étais pas du tout préparé à ce qu’elle réagisse ainsi. Aussi restais-je muet lorsqu’elle me demanda combien de temps nous restions ici, Naminé et moi. De toute façon, elle n’attendit pas ma réponse et se dirigea vers notre chambre… Enfin, sa chambre.

Je restai planté dans le salon, ne sachant même pas si je pouvais la rejoindre ou non. J’avais l’impression d’être un étranger dans ma propre famille. Et cette simple idée me donnait envie de vomir. Je ne m’attendais pas à ce que l’on me jette des fleurs, loin de là. Je n’avais fait que tenter de réparer mon erreur - et on pouvait dire que j’avais fait pire que mieux, en l'occurrence - mais j’aurais espéré un peu de compréhension. Certes, j’avais brisé notre promesse, à deux reprises, je savais qu’elle ne pardonnerait pas facilement, peut-être même jamais, mais elle pouvait au moins essayer de comprendre la situation non ?

* J’ai plus de chance de convaincre Noctis de porter un tutu, je crois… *

Je laisse un soupire d’exaspération m’échapper à cette pensée qui bien qu’elle soit ridicule était probable. Il n’y avait pas de personne plus têtue que Kaïri dans cette ville. Et, si j’avais toujours trouvé que cela faisait partie de son charme et que ça la rendait adorable, j’aurais voulu qu’elle mette de l’eau dans son vin, pour une fois et essaie d’appréhender la situation dans son entièreté. Mais c’était peine perdue, je le savais. Tout cela était encore beaucoup trop frais. Peut-être qu’avec le temps…

Agacé de ruminer seul dans mon coin, je décidai malgré tout la rejoindre à l’étage. Je n’avais pas encore passé la porte que j’entendais déjà les babillements des jumeaux. Ils étaient tous deux réunis dans le lit de Sora. Je sentis les larmes me monter aux yeux lorsque je posais mon regard sur lui. Il avait tellement grandi en un mois ! Et il m’avait énormément manqué aussi. Je m’approchai du lit et déposai un baiser sur le haut du crâne de Naminé et me saisis de Sora.

- Hey, comment tu vas mon bonhomme ! Tu as manqué à Papa, tu sais.Lui dis-je tout en le serrant dans mes bras.

C’est alors que je remarquai quelque chose d’étrange, comme une sorte d’irrégularité dans le dos de mon fils. Intrigué je tirai légèrement sur le col de sa grenouillère. Mon champ de vision était réduit mais je pouvais tout de même voir des plumes.
Il y avait des plumes dans le dos de mon fils !

-Il… I.. Il a des.. Dans le…Balbutiais-je comme un idiot alors que je me retournais vers Kaïri.

J’eu finalement un éclair de lucidité

-Aaaah ! C’est normal, c’est vrai…

Toujours en tenant mon fils dans les bras, je m’assis sur le lit et commençai à lui faire des grimaces. Je fis soulagé de voir que cela le faisait toujours autant rire et qu’il me reconnaissais encore. J’avais tellement peur qu’il m’oublie…

- Ca m’a surpris, Naminé n’a toujours rien. Je pensais qu’ils les auraient eu en même temps… J’aurais tellement aimé qu’elles soient blanches, comme les tiennes.

J’avais toujours trouvé les ailes de Kaïri magnifiques, même si je n’avais eu l’occasion de les voir qu’une ou deux fois. Elles étaient d’une telle pureté. J’aurais vraiment aimé que les jumeaux en héritent. Cela leur aurait certainement causé moins de soucis que des ailes noires prouvant leur métissage et qui leur attirerait sans doute des problèmes tout au long de leur vie…

Cette femme avait vraiment tous les pouvoir sur moi…

J’étais capable de résister à n’importe quelle arme, n’importe quel coup. Je pouvais me relever après avoir encaissé de plein fouet un coup de canon. Et pourtant la moindre parole, le moindre geste venant de Kaïri pouvait me mettre au sol, faire tomber toute mes défenses et me faire bien plus mal que n’importe quel magie. L’amour, finalement, était quelque chose de tout aussi horrible que merveilleux.

J’étais en train de découvrir à quel point ce sentiment pouvait blesser même le plus fort des hommes…

- Je… Il faut qu’on soit rentré avant la tombée de la nuit. Dis-je en essayant de reprendre un peu de sérieux.

Elle n’avait même pas relevé ce que je venais de dire, tout aussi idiot que cela pouvait être. Je sentis mon coeur se serrer douloureusement. Quand étais-je devenu si… vulnérable ? Un rire ironique m’échappa à cette constatation. Peut-être que Noctis avait raison, finalement…

Non… Ce dégénéré ne pouvait avoir raison. L’amour était loin d’être une faiblesse. Si j’avais tant changé, gagné en puissance et mûrit, c’était grâce à Kaïri, aux sentiments et à la famille qu’elle m’avait offert. Mais aujourd’hui, tout cela risquait de disparaître si je ne faisais rien.

* Sauf qu’elle me trucidera au moindre mot prononcé…*

Ma présence ici n’était que tolérée, j’en étais bien conscient mais il allait bien falloir que je fasse le premier pas, pourtant. Parce que, têtue comme elle l’était, Kaïri ne le ferait pas. Je ne pouvais cependant pas la blâmer pour son comportement. Qui sait comment j’aurai réagi à sa place.

- Cela ne tardera pas… c’est comme tout, chaque chose vient en son temps.

J’avais peut-être parlé trop vite. Le ton était toujours aussi glacial mais c’était mieux que rien…

- Ca vaut peut-être mieux ainsi… Soufflais-je alors que l’ange au regard améthyste venait d'émettre l’hypothèse que notre fille n’aurait peut-être jamais d’ailes. Ca sera déjà bien assez compliqué ainsi pour eux…

Être métisse dans cette ville était compliqué et dur à vivre mais être un Rasphodos l’était encore plus, surtout depuis que Noctis était à la tête du quartier de l’Ombre. Alors être un demi-sang et porter le nom de Rasphodos…

- Mais je ferai ce que je peux pour les protéger. Soufflais-je inconsciemment tout en ébouriffant la tignasse argentée de mon fils.

Sauf qu’il y avait des choses sur lesquelles je n’avais aucune emprise, comme les plans de Noctis. Mon regard s’assombrit tandis que je repensais à la discussion que ce dernier avait eu avec Lysander, il y a de cela quelques jours. Instinctivement, mon regard se reporta sur Kaïri. Comment réagirait-elle si elle apprenait ce que les deux hommes fomentaient ? Elle essaierait de les tuer, et moi avec, sans aucun doute. Il valait mieux qu’elle l’ignore…

De toute façon, je ne laisserait jamais une telle chose arriver. Et puis, Lysander ne me ferait jamais cela, n’est-ce pas ? Je n’en étais pas vraiment sûr…

* Tu n’es pas venu ici pour ruminer tout ça, Nero…*

Non. Rien ne servait de spéculer sur tout cela pour l’instant. Ce n’était finalement qu’une idée jetée dans la conversation, du moins essayais-je de m’en convaincre.

- Tu as prévu quelque chose aujourd’hui ? Je me disais qu’on… Et bien… Qu’on pourrait faire une sortie avec les jumeaux. En famille… Proposais-je à l’ange tout en me frottant la nuque.

J’étais plus que mal à l’aise et me sentais complètement idiot. Pourquoi accepterait-elle de passer du temps avec moi alors que j’étais sans doute la personne qu’elle détestait le plus en ce moment. Après tout, elle avait perdu tant de choses par ma faute, alors pourquoi dirait-elle oui ?

Cette femme savait pertinemment où appuyer pour me faire mal…

Je ne répliquai rien tandis que l’ange revenait sur ce que je venais de dire, le ton empli de reproches et d’amertume. Qu’aurais-je pu dire ? Elle avait totalement raison. J’avais été incapable de protéger ma famille et j’en avais payer le prix fort. Ryu était mort, Naminé se retrouvait totalement à la merci de Noctis, ma famille était complètement morcelée et Kaïri me détestait au plus haut point. Et j’ignorais comment recoller les morceaux. Etait-ce seulement possible ? J’en doutais fort…

Peut-être qu’avec le temps.

Ou peut-être pas, vu le point de vue de Kaïri à ce sujet… J’avais envie de lui répondre qu’il n’était pas trop tard pour tenter de recoller les morceaux, que, même si Noctis avait l’ascendant, cela ne voulait pas nécessairement dire qu’il n’y avait aucune issue à cette situation des plus merdiques, que je l’aimais, elle, mais aussi nos enfants, qu’ils restaient malgré tout la chose que j'avais de plus précieux en ce bas-monde… Mais pour le moment, il était peut-être plus judicieux de rester silencieux. Un seul mot de travers et ma tentative pour passer du temps en sa compagnie et celle des jumeaux serait ruinée.

Je pensais me faire rembarrer en beauté mais contre toute attente, l’anger accepta ma proposition, précisant bien qu’elle accédait à ma demande juste pour les enfants. C’était une toute petite victoire, mais une victoire quand même.

- Je n’en demandais pas plus… Répliquais-je sur un ton quelque peu peiné quand j’aurai voulu qu’il paraisse détaché. Tu devrais quand même prendre la peine de sortir de temps à autre… Ce n’est pas bon pour Sora et toi de rester constamment enfermés dans cette maison. Vous ne risquez rien… Finis-je par dire, rebondissant sur ses dernières paroles.

Là, je risquais réellement de m’en prendre une…

Mais je pensais sincèrement ce que je disais. Rester enfermés dans cette maison emplie de souvenirs pour terribles les uns que les autres, ne l’aiderait qu’à ressasser en boucle ce qu’il s’était passé. Évidemment, sortir de la petite maison ne suffirait pas à faire oublier ces horribles événements, j’en étais conscient, mais j’étais certain que ça pouvait aider un minimum.

Avant que Kaïri, ne puisse répliquer et passer ses nerfs sur moi, je me levai - toujours avec Sora dans les bras- et regagnai le rez-de-chaussé, installant mon fils dans la double poussette et me saisit de ma fille pour en faire de même une fois qu’elle fut à ma portée. Planté devant l’objet sur roues, je laissai un sourire attendri barrer mon visage tandis que je regardai les jumeaux s’amuser tous les deux.

Qu’est-ce que je ferai s’ils n’étaient pas là, franchement…

Une fois dehors, j’ouvris la marche, poussant la poussette devant moi tandis qu’un silence lourd et malaisant c’était installé. Je détestait vraiment cela… Même ma première rencontre avec l’ange n’avait pas été aussi tendue…

- Où est-ce que tu voudrais aller ?

Une question anodine mais qui me semblait tellement maladroite. J’avais l’impression de marcher en terrain miné, l’impression qu’une bombe m’exploserait au visage au moindre faux pas. Et je ne doutai  guère quant au fait qu'une vraie bombe aurait été moins douloureux que les colère de ma tendre moitié…

Un retour en arrière.

C’était clairement l’impression de vivre actuellement alors que je sortais de la maison en compagnie des jumeaux, suivi de Kaïri, bien évidemment. J’avais commencé à avancer, lentement, préférant laisser l’ange un instant avec ses pensées. Je l’avais bien remarqué, l’inquiétude qui l'avait envahie alors qu’elle était à la limite de dévaler les escaliers avec Naminé. La raison non plus ne m’échappait pas. Le dernier Rasphodos qu’elle avait vu partir ainsi avec ses enfants les avait kidnappés. J’étais tenté de la serrer dans mes bras pour la rassurer  mais me ravisai, sachant très bien quel genre de réaction elle aurait.

Être dehors ne semblait guère l’apaiser non plus. Elle scrutait tout ce qui nous entourait, telle une lionne prête à sauter sur le premier danger pour protéger ses petits. Dans une autre situation j’aurais pu trouver cette attitude adorable. Mais lorsqu’on savait ce qui était à l’origine d’une telle attitude…

-  Attention ! M’exclamais-je tandis que je retenais l’ange qui avait manqué de trébucher Rien de cassé ?

Ce contact bien qui bref me laissa une impression des plus étrange, mêlant peur et réminiscence. Depuis combien de temps n’avais pas eu de contact avec Kaïri ? Bien trop longtemps. Et j’aurais bien été tenté de faire durer celui-ci, de mêler ma main à la sienne mais mieux valait éviter pour l’instant.

Si j’avais encore espoir d’obtenir le pardon de l’ange un jour, je n’ignorais pas que le chemin vers celui-ci serait long et ardu.

- Sora aime beaucoup jouer avec les feuilles… Allons au parc.

Direction le parc de Moonlight City donc.

J’avais oublié à quel point l’endroit était paisible et ressourçant. Cela m’avait toujours étonné de voir à quel point l’ambiance de ce lui pouvait changer en fonction des saisons. L’automne étant déjà bien avancé, le parc était envahi par de teintes rouges et oranges. Ces couleur donnait au lieu une ambiance chaleureuse. Malgré le temps frais, l’endroit était bien peuplé, sans pour autant être bondé. A peine étions-nous arrivés que les jumeaux s’agitaient déjà. Ils avaient toujours apprécié cet endroit. Voir leur adorables bouilles émerveillées tandis que Kaïri leur tendait des feuilles me fit sourire. Laissant l’ange sortir les bambins de la poussette, je me saisi de la couverture posée dans le panier de transport de l’objet et l’étendis au sol, histoire que l’on ait pas à se poser directement dans l’herbe  humide.

Les jumeaux étaient déjà en train de gambader en tout sens, visiblement plus que passionnés par les feuilles qui parsemaient le sol. Ce qu’ils étaient adorables, impossible de ne pas craquer pour leur petite bouille. Moi, un papa gâteau ? ABSOLUMENT ! Tellement gaga de ses enfant que je finis par les rejoindre dans leur entreprise, réunissant un tas de feuille que je fis ensuite pleuvoir sur leur tête. Leurs rires résonnaient si fort que j’avais l’impression que l’on pouvait l’entendre dans tout le parc. Sora tapait dans ses mains, laissant échapper de petites flammèches.

Je sentis ma poitrine se gonfler de fierté tandis que je constatai que lui aussi avait hérité de l’un de mes pouvoirs.

- Sora, regarde papa ! Dis-je à mon fils histoire d’attirer son attention tandis que j’imitai son geste.

Comme attendu, le bambin m’imita à son tour, mais plus aucune flammèche ne sortit de ses paumes.

- On verras ça quand tu seras un peu plus grand, hein ? Soufflais tout en lui ébouriffant ses cheveux.

Oui, l’éducation et l’entraînement pouvaient bien attendre. Ils étaient encore bien trop jeunes pour cela. Et puis, c’était un sujet que je n’avais pas encore abordé le sujet avec Kaïri. Elle avait voix au chapitre, après tout. De toute façon, je n’étais venu pour cela.

Je ne sais quand et comment exactement, mais je finis par m’endormir au bout d’un moment, rattrapé par le manque de sommeil et la fatigue. Mine de rien, j’avais passé la nuit à effectuer le sale boulot de Noctis. Un de repos n’allait sans doute pas me faire de mal. Sauf que j’étais loin d’être bercé par des rêves reposant.

Du sang, des cris, le corps sans vie de Ryu et plus loin… celui de Kaïri, baignant dans une mare de sang.

- KAÏRI !

Mon propre cri me réveilla. Je m’étais relevé d’un bond en hurlant, me retrouvant à présent assis, haletant et complètement paniqué. Jusqu’à ce que mes yeux s’ancrent dans deux améthyste.

- Tu es là… Soufflais-je, presque sanglotant tandis que le l’étreignait.

Les souvenirs de jour où je l’avais trouvé après l’attaque de Noctis, presque morte dansaient encore devant mes yeux, me faisant légèrement tremblé. J’avais réellement manqué de la perdre ce jour-là, j’avais réalisé que je pouvais la perdre, à tout moment. Une pensée qui m’était tout bonnement insupportable. Sans Kaïri, j’étais incapable d’avancer…

Tout n’était pas perdu.

Encore hanté par le rêve que je venais de faire, je continuai de serrer Kaïri dans mes bras tout en tentant de me calmer. Je fermai les yeux un instant tandis que mon étreinte se resserrai doucement sur elle. Ce n’était qu’un mauvais rêve, par chance elle était toujours en vie. Un véritable miracle, à vrai dire.

- Je n’allais pas partir en te les laissant quand même.

Je fronçai les sourcils tandis que l’ange me murmurait cette phrase, n’en comprenant pas tout de suite le sens. Il me fallut quelque secondes pour faire le lien. Ce n’est qu’au moment où l’ange me demanda ce qu’auraient fait les jumeaux avec un père qui s’endormait à tout va que la pièce tomba.

- Je serais complètement perdu sans toi… Soufflais-je avec un sourire légèrement taquin. Et moi qui pensais que Ice était le seul à avoir le privilège d’avoir tes visites en pensées.

Une petit boutade qui avait pour but d’essayer de détendre l’atmosphère et de faire oublier mon moment de faiblesse. Ice, son meilleur ami, avait toujours été le seul - du moins à ma connaissance - avec qui Kaïri avait lié un lien mental. Elle n’avait jamais tenté la chose avec moi, pour je ne sais quelle raison, mais j’avais toujours respecter ce choix qui devait faire sens pour elle. Et quelque part, je préférai que les choses restent ainsi. Comment réagirait-elle si elle savait, si elle voyait toutes les horreurs que me faisait faire Noctis?

Alors que l’ange délaissait mes bras pour prendre Naminé dans les siens, j’en fis de même avec Sora, complètement attendri par sa tentative pour détourner mon attention. Voyant qu’il semblait quelque peu déçu de ne pouvoir réussir son exploit de tout à l’heure, je fis apparaître quelques flammèches au bout de mes doigts et les fit voleter autour de lui avant qu’elles ne s’évaporent, emportées par la brise.

Kaïri avait sans doute raison, ils allaient tous deux nous surpasser mais je ne savais si les pousser à développer leurs dons étaient une bonne chose ou non ? Cela ne nous avait guère réussi, à ma fratrie et moi. Je ne voulais surtout pas répéter les schèmes qui s’appliquaient aux Rasphodos depuis des générations et des générations. Mais peut-être existait-il un moyen de briser le cycle, de changer les choses. Sûrement…

Complètement perdu dans mes pensées, je fus brutalement tiré de celle-ci par la question de l’ange au regard améthyste. Je plantai mes yeux dans les siens, sentant mon coeur se serrer une énième fois face à l’expression qu’elle avait.

- Aussi dur que ça puisse être, je ne veux pas oublier. Cela voudrait dire vous oublier les enfants et toi. Ca… Il n’en est pas question. Jamais. Soufflais-je sur un ton aussi bas que le sien tandis que je posai une main sur sa joue, chassant de mon pouce la larme qui coulait le long de sa joue. Kaïri, je te le promets… Je te promets que j’arrangerai tout ça. Peut-être que ça prendra du temps, mais j’arrangerai les choses. Je ne laisserai plus rien vous arriver, je le jure. Promis-je avant de déposer un baiser sur son front. Le premier depuis une éternité, il me semblait. Et si j’allais nous chercher un truc à manger ? Hein ? Annonçais-je de but en blanc, l’ambiance me mettant plutôt mal à l’aise.

Vraiment, je ne savais plus comment je devais agir avec l’ange et ça commençait sérieusement à me torturer l’esprit. Me relevant subitement, je laissai Sora à Kaïri et me dirigeai vers un petit stand situé non-loin. Perdu dans mes pensées, je ne remarquai pas tout de suite que deux miliciens qui patrouillaient dans la zone. Ce n’est que lorsque j'aperçus un éclat métallique du coin de l’oeil que je réalisai la situation.

- Hey, toi !

Faisant mine de ne pas entendre l’interpellation de l’elfe, je retournai calmement jusqu’à Kaïri et les jumeaux.

- Il faut qu’on parte. Soufflais-je à l’ange sur un ton légèrement plus paniqué que je ne l’aurai voulu.

Je m’empressai d’installer les jumeaux dans leur poussette et de ranger nos affaire tandis que les deux gardes se rapprochaient, visiblement encore incertain de mon identité. Et alors qu’ils comprenaient enfin et courraient dans notre direction, je me saisi de la main de Kaïri et nous téléportai ailleurs. Nous étions à présent dans le parc d'attraction. Comme je l’espérais, ce dernier était plein à craquer. Parfait ! J’avais plus de chance de passer inaperçu.

Un pas en avant pour trois pas en arrière.

Bien que certain d’avoir semé les deux miliciens du parc, je restai aux aguets quelques secondes, de peur que les deux hommes aient sonné l’alerte générale. Mais il semblait que non, le parc d’attraction semblait en pleine effervescence et personne ne faisait réellement attention à nous. Je laissai un soupir de soulagement m’échapper et me détendit aussitôt

* On a évité une catastrophe...*

Ou pas…

Tout danger était loin maintenant et pourtant, je sentai une aura des plus hostiles, juste derrière moi. La menace des miliciens de Moonlight City n’était rien en comparaison des colères de Kaïri. Et au vu de la tête qu’elle avait, elle était à deux doigts d’exploser. Mais cette expression laissa bien vite place à une pâleur soudaine. Inquiet, je me retrouvai aux côtés de l’ange en moins d’une seconde, la soutenant tandis qu’elle reprenait contenance. J’avais tendance à oublier que la téléportation n’avait rien d’agréable lorsque l’on y était pas habitué.

- Désolé… Soufflais-je.

Mais contrairement à ce que je pensais, ma compagne repris rapidement du poil de la bête, me traînant et la poussette des jumeaux vers un endroit avec moins d’affluence. La façon dont elle me serrait le bras en disait long sur son humeur… C’est qu’elle avait de la poigne quand elle le voulait !

- Aïe ! Je veux bien que j’ai l’habitude d’encaisser les coups mais tes ongles planté dans le bras, c’est tout sauf agréable ! Pestais-je comme un gamin de cinq ans.

J’avais le vain espoir que cela détourne l’attention de Kaïri mais en vain. Dire que l’ange était remontée contre moi était un euphémisme. Je ne dis rien et ne bougeai pas d’un iota, la laissant extérioriser sa colère. Je ne sourcillai même pas lorsqu’elle menaça de me gifler, me contentant de fermer les yeux en attendant la sentence qui… n’arriva jamais.  

- Nero. Tu me dis ou je me débrouille pour fouiller ton esprit. Toi comme moi savons très bien quelle version sera la pire, et pour qui.

Finalement, j’aurai préféré recevoir des coups…

Il aurait été plus facile qu’elle me demande de me trancher la gorge. Il n’y avait aucune chance que je lui parle de ce que Noctis me faisait faire, surtout pas devant les enfants. J’avais peur de ce qu’elle penserait, de voir son visage se décomposer de dégoût. Je redoutai plus que tout au monde que Kaïri me juge ou me prenne pour un monstre. Il fut un temps où tout cela ne m’aurait même pas atteint, mais cette époque était loin maintenant. Et ma tendre moitié y était beaucoup dans ce changement. Que penserait-elle donc si elle voyait les horreurs que je commettais pour le compte de Noctis ? Elle me détesterait encore plus, c’était certain.

Je refusais de lui en parler mais d’un autre côté, je savais que lui cacher les choses n’était pas non plus une solution.

- Regarde si cela te chante, je n’opposerai aucune résistance… Mais ne compte pas sur moi pour te parler de ça, surtout pas devant les jumeaux.

C’était clair et direct. Aucun détour, aucune excuse. Il n’y en avait de toute façon aucune pour justifier ces atrocités. M’emparant de la poussette, je me dirigeai vers un banc sur lequel je finis par m’installer.

- Comme si tu n’avais pas une infime idée de ce qu’il se passe… Soufflais-je sur un ton de reproche que j’aurai préféré éviter. C’est un peu cruel de me demander ça alors que les “exploits” de ce détraqués font le tour de la ville depuis des semaines…

Cette journée était sensée être une bonne journée, une journée où j’aurai profité de la présence de ma famille, une journée où j’aurai tenté de recoller les morceaux avec Kaïri. Cela semblait plutôt bien parti, pourtant mais à présent, je doutais fort que les choses s’arrangent. Surtout si l’ange décidai de fouiller les méandres de mon esprit…