Le pigeon, le loup et le démon. [Dante/Raïssa]

Les ennuis ne viennent jamais seuls.

Et en ce moment, des problèmes, j’en avais des tonnes, principalement avec Yukia. Les choses étaient plus que tendues entre nous, pour le moment. Ma jumelle voulait des réponses que j’avais finalement décidé de ne pas lui donner. Enfin, au bout d’un certain temps, il avait bien fallu que je lui en dise plus sur notre famille. J’avais évidemment essayé d’être le plus évasif possible sur certains points, notamment concernant nos frères ou le statut de notre famille en Enfers. Mais cela n’avait pas suffit à la satisfaire. Elle avait commencé à faire des recherches de son côté, n’hésitant pas à aller s’aventurer du côté des quartiers de l’Ombre. J’étais entré dans une rage folle en apprenant cela. Et l’on s’est quitté sur une dispute.

Évidemment, j’avais pensé la laisser décolérer dans son coin et aller la retrouver un peu plus tard mais un autre soucis - et pas des moindres - avait alors surgit.

Des humains avaient pénétré dans Moonlight City.

Ca avait été le chaos et la panique dans toute la région durant des semaines. Les choses avaient atteint un tel stade que le Conseil nous avait mobilisé pour tenter de calmer les choses en ville. Finalement, le calme était revenu en ville avec l'exécution des humains capturés. J’avais trouvé cette décision extrêmement drastique mais ne m’en était pas plus soucié que cela. Après tout, le Conseil devait savoir ce qui était bon ou non pour la cité magique. Qu’aurais-je pu faire, de toute façon ? Rien que mon nom était pour eux un motif suffisant pour m'enfermer à perpétuité. Il valait mieux pour moi que je reste loin de tout cela.

Et puis d’autres problèmes se profilaient déjà…

La première chose que mon attention capta ce matin là, tandis que je quittais les dortoirs de la guilde, fut le regard inquiet de Milla. La sorcière m’aggripa par le bras et m’entraina jusqu’au panneau de mission.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

Ignorant volontairement ma question et se saisit d’un des ordres  de missions qu’elle me tendit.

- Il faut vraiment que tu t’occupe de ça, Dante.
- Ca ne changera rien, Milla… Soupirais-je tout en lisant en diagonale l’ordre de mission

Un ordre d’extermination. D’après le papier, il fallait chasser un griffon ayant élu domicile dans les montagnes. Ce dernier avait déjà attaqué plusieurs randonneurs et devenait réellement problématique. Une lecture rapide du descriptif me suffit pour comprendre que la cible de cette mission était Zeiph.

- Je peux t’accompagner, si tu veux.
- Ca ira, merci. Mais je veux bien que tu m’aides à le localiser, s’il te plait.

Une demi-heure plus tard, la mission était encodée et le griffon localisé. Je me téléportai donc jusqu’à l’endroit indiqué par la sorcière, à savoir la montagne hantée. Il semblait que j’arrivai juste à temps puisque l’animal se tenait juste au-dessus d’une personne qu’il semblait prêt à attaquer. Sans réfléchir, je me jetai  sur lui, mettant assez de force pour l’écarter de quelques mètres mais pas assez pour le blesser. Nous roulâmes donc tous les deux sur un mètre ou deux.

* Non mais… Ca va pas de m’attaquer ainsi ?! *
- Bordel… Tu te fiches de moi, c’est ça ?! C’est plutôt à moi de dire ça. Ca t’arrive souvent de t’en prendre aux personnes sans défense !? Répliquais-je avec énervement tandis que je me redressais et me dirigeai vers la victime de Zeiph.

* Elle ? Sans défense ? C’est un monstre ! *

N’étant pas d’humeur à écouter les imbécilité de l’oiseau, je l’ignorais complètement et aidai la jeune femme qu’il avait tenté d’attaquer à se relever.

- Est-ce que tout va bien ? Vous n’êtes pas blessée ?

* T’es qu’un pauvre con…*

Là… C’en était trop. Ce pigeon de malheur venait de mettre ma patience - déjà bien mise à l’épreuve avec tout ce qui c’était passé jusqu’ici - à bout. Sans rien dire, je me tournai vers mon familier et lui lançai un regard glacial avant de lui envoyé une énorme quantité de neige sur la tête. Voilà qui devrait le faire taire pour quelques minutes au moins…

Culpabilité quand tu nous tiens…

Cela faisait même pas cinq minutes que j’étais là et je me sentais déjà terriblement coupable de l'attaque que venait de subir la jeune femme. Lorsqu’elle me confia n’avoir “presque rien” suite à mon intervention mes lèvres se tordirent en un sourire crispé, signe plus que voyant du malaise qui m’avait gagné.

Pourquoi fallait-il que je me retrouve avec un tel familier ?

Je n’avais jamais vraiment ressenti le besoin ou l’envie d’avoir un familier. Du moins, pas avant que Yukia ne revienne un jour avec Noïshe dans les bras. En voyant les liens et la complicité qui unissait ces deux-là, je m’étais mis inconsciemment souhaiter de rencontrer, moi aussi, mon propre frère d’âme. Ce n’était pas de la jalousie ou de l’envie, juste de l’impatience et de l’anticipation. J’étais certain que si je devais rencontrer mon familier, ça serait à Moonlight City et nulle part ailleurs. Finalement, le grand jour avait fini par arriver et… Ce fut la déception. J’avais hérité d’un animal qui ne tolérait pas ma présence et me prenait pour le pire des abrutis. Sans parler de son sale caractère…

* - Espèce d’enflure ! J’te jure que je vais te crever dès que je sortirai de là…
- Mais bien sûr…* Soufflais-je à l’animal tout en reportant mon attention sur l’inconnue.

Zeïph avait beau mesurer un mètre quarante au garrot et peser facilement 150 kilos, il n’avait aucune chance contre moi dans un environnement tel que celui-ci. Après tout, la glace et la neige étaient mes éléments de prédilection.

- On a… Quelques soucis avec celui-ci. Confiais-je à la demoiselle tout en fixant le monticule de neige à la surface duquel on commençait à percevoir du mouvement. Mais je suis là pour le gérer et m’assurer qu’il ne cause plus de soucis.

Le principal concerné sortit enfin de sa prison de neige et nous chargea aussitôt. Je le fixai d’un air blasé et - alors qu’il poussait sur ses pattes arrières pour me bondir dessus - j’envoyai un nouveau tas de neige sur lui, l’envoyant cette fois-ci valdinguer à un ou deux mètres sur notre droite.

*Toi… Je vais te faire la peau, je te le jure.*

Je laissai un énième soupire m’échapper, me disant qu’il devait avoir erreur sur le propriétaire. Ce fichu griffon était plus proche du caractère de Nero que du mien…

- Vous devriez tout de même faire attention. Cette partie de Moonlight n’est pas connue pour être des plus sûres. On peut tomber sur bien pire que des griffons… Dis-je à la brunette tandis que Zeïph s’ébrouait.

*- Pour la deuxième fois, c’est pas une demoiselle en détresse mais un putain de monstre, une saleté de sac à puces !
- Une métamorphe, en somme…
- Ah ouais ? Tu en connais beaucoup, toi, des humains capables de se changer en loup aussi gros que moi et qui ne laisse aucune trace au sol ?
- Tu divagues…
- Vraiment ? Dis-moi ? Tu vois des traces quelques part, hormis les miennes ?*

A cette remarque je fronçai les sourcils et observai les alentours. Il n’y avait effectivement aucune trace de pas hormis celles de Zeïph et les miennes. C’était un fait certes étrange mais qui pouvait très vite trouver une explication. La téléportation fut la première qui me vint à l’esprit. Pour le coup, je ne savais pas à qui accorder du crédit, à une parfaite inconnue ou à un familier qui me détestait au plus haut point ? L’un comme l’autre pouvait me mentir. De toute façon je n’étais pas là pour ça.

- En tout cas, il ne vous attaquera plus. Je vous donne ma parole ! Mais… Si je ne suis pas indiscret que faisiez vous si loin de la ville ? Vous désirez que je vous raccompagne ou que je vous donne un coup de main pour quelque chose ? Demandais-je avec un sourire bienveillant.

L’avis de mon familier m’importait peu. Tout ce que je savais c’est que cette jeune femme s’était retrouvée dans une situation désagréable par ma faute. C’était donc tout à fait normal que je la dédommage d’une façon ou d’une autre…

Moonlight City était remplie de gens vraiment étonnants !

La question de la jeune femme me mit on ne peut plus mal à l’aise. Sérieusement, pourquoi allais-je passer si je lui disais que Zeïph était effectivement mon familier. D’un autre côté je ne me voyais non plus lui mentir. Je me devais d’être honnête après ce que le griffon lui avait fait…

- Et bien… Oui, c’est mon familier. Mais, on ne peut pas dire que le courant passe très bien. Je devrais peut-être essayer d’arranger ça. Dis-je tout en laissant quelques étincelles s’échapper d’une de mes mains.

Un rire forcé m’échappa tandis que je me rendais compte qu’en plus d’être complètement nulle, cette blague était de mauvais goût.

* C’est officiel ! Ta mère t’as bercé trop près du mur, en fait. Non, parce que je vois pas de quelle autre façon justifier ta débilité, mec…*

Je lançai un regard noir à mon familier, prêt à lui lancer un nouveau tas de neige sur la tête lorsque la demoiselle reprit la parole, m’interrompant dans mon action. Je clignai des yeux un instant, comme si je venais de voir une licorne passer juste devant moi.

Une zoologiste.

Je connaissais la définition du mot mais n’avait qu’une très vague idée de ce que ce métier impliquait. Cela avait l’air tout de même dangereux, surtout pour une frêle jeune femme telle que cette inconnue (Aaaaah, le misogynisme ordinaire…).

- Huuum, je crois qu’on va éviter.

* Parce qu’elle croit qu’elle peut me faire quelque chose cette conn…*

- Et sinon, vous vous appelez ? Demandais-je en haussant le ton, histoire de ne pas entendre les pensées de Zeïph. Ah… J’imagine que je devrais me présenter avant, je m’appelle Dante Rasphodos.

*- Passe-lui ton adresse et ton arbre généalogique aussi, tant que tu y es…
- Ah merde…
- Ah bah oui…*

Pour le coup, je devais avouer que j’avais agis comme un imbécile. Pourquoi avait-il fallu que je lui donne mon nom… Peut-être qu’avec un peu de chance - avec vraiment vraiment vraiment un peu de chance - elle ne connaissait pas mon patronyme.

* T’espère petit...*

Lui, il allait finir en nuggets avant la fin de la journée.

- Et donc… Vous êtes zoologiste…

Oui, On aurait pu faire mieux comme diversion…

Malgré le temps passé dans cette contrée, je ne cessais de faire des découvertes inédites et intéressantes !

Ma tentative de détourner l’attention de la zoologiste sembla fonctionner puisqu’elle ne fit aucune remarque sur mon patronyme. Ou peut-être que le nom Rasphodos ne lui disait rien, chose qui m’arrangeait plutôt bien, je devais l’avouer.

*Une démone qui ne connaît pas le nom Rasphodos ? La bonne blague. Si tu veux mon avis elle a juste pitié de la calamité ambulante que tu es… Même moi, je connais ce nom…*

Le regard meurtrier que le lançais au griffon se changea alors en surprise. Comment ça, il connaissait mon nom ?

* Tu as oublié d’où tu m’as sorti ?*

Je fis rapidement le lien. C’était évident, pourtant. Il était impossible, à l’heure actuelle, de passer par le quartier de l’Ombre sans entendre parler des mes frères. A vrai dire, Noctis commençait à faire parler de lui un peu partout en ville, surtout depuis qu’il avait commencé à s’attaquer aux officiers miliciens tentant de mettre de l’ordre et restaurer l’influence du Conseil dans cette partie de la ville. J’étais conscient que toute cette histoire finirait par me retomber dessus, d’une façon ou d’une autre...

Perdu dans mes pensées et celles de Zeïph - très sérieusement, je ne sais pas comment les autres font pour partager constamment leurs pensées et ressentis avec un autre individu… - , j’eus un léger sursaut lorsque la demoiselle à la chevelure brune prit la parole. Je fouillai mes sourvenirs, à la recherche d’un prénom similaire au sien mais c’était la première fois que je l’entendais. Personne chez les Clans ou les familles sous la protection des Rasphodos ne portaient ce prénom. Quant aux monstres, il n’y en avait que très peu qui inquiétaient vraiment mon père et les autres chefs de Clans. Le seul dont j’ai jamais entendu parlé était surnommé le “Loup”. Aussi haussai-je les épaules pour signifier à la jeune femme que cela ne me disait rien. Dans tous les cas, ça m’importait peu.

- Enchanté de faire votre connaissance, Raïssa ! Dis-je avec un grand sourire

Enfin, la jeune femme me fit part de la raison de sa présence ici. Elle cherchait un oiseau bien particulier, un banshee. J’écoutai attentivement la description qu’elle m’en fit. Ce animal ne m’était pas totalement inconnu mais je n’en avais jamais vu de mes propres yeux. Ca serait une chance de pouvoir en observer un par moi-même ! Soudainement enthousiaste à cette idée je croisai les bras et réfléchi un moment.

- Un lieu avec beaucoup de mort… Soufflais-je pour moi-même.

- Tu devrais peut-être ramener tes frangins ici…

Et un nouveau tas de neige sur la tête, un !

- Il y a bien la montagne hantée… D’après les rumeurs, c’est un lieu où la mort rôde. Mais de là à savoir si c’est vrai…

Puis, une idée me traversa l’esprit.

- Je sais ! Je n’ai qu’à vous y emmener ! On a rien à perdre après, tout. Si ?

Complètement  excité à l’idée d’observer un animal si rare, j’avais complètement oublié la raison pour laquelle j’étais là initialement, c’est-à-dire maîtriser Zeïph avant que quelqu’un d’autre ne s’en charge de façon beaucoup plus… expéditive. Mais bon, je n’allais pas bien loin et pourrai toujours me téléporter à proximité de griffon en cas de problème. Et puis, en tant que membre des Shadow’s Hunters, c’était mon rôle d’aider les habitants de Moonlight City !

[i]Avec l’accord de la démone, je nous téléportai au pied de la montagne hantée. Un seul regard sur ce mont suffisait à comprendre pourquoi il avait la réputation d’être hanté…

Cette montagne isolée du reste de la chaîne était bien plus haute que le massif qui séparait le désert de la forêt. Ses pics acérés et abruptes et l’aura sombre qu’elle dégageait suffisaient à convaincre n’importe quel voyageur de s’en éloigner le plus possible. Pourtant, j’étais bien décidé à explorer cette endroit. Après tout, cela ne pouvait pas être pire que les Enfers !

- Bien bien ! Commençons par dégager le chemin !Dis-je tout en frottant mes mains l’une contre l’autre avant de faire de grands mouvements de bras, comme si j’écartais quelque chose se trouvant juste devant moi. La neige suivit le mouvement, créant ainsi devant nous un couloir menant jusqu’au pied de la montagne.

- Si madame veut bien me suivre.

Tout en disant cela, je m’inclinai légèrement et me déportai un peu sur le côté, invitant ainsi Raïssa à se mettre en marche.

Il y a des moments, où l’instinct prime sur la raison.

Alors que je venais d’ouvrir le passage jusqu’au pied de la montagne hantée, je laissai Raïssa passer devant et la suivit aussitôt, observant avec attention tout ce qui se trouvait autour de nous, à l’affût du moindre mouvement, tant au sol que dans les airs.

Cet endroit était vraiment malaisant.

En plus de l’atmosphère pesante qui envahissait les lieux, ceux-ci semblaient complètement inhabités. Il n’y avait pas âme qui vive. On entendait même pas de bruit. Le peu de traces que nous avions croisées semblaient dévier à l’approche de la montagne, comme si la faune cherchait à éviter à tout prix ce lieu à la réputation maudite…

- C’est… Bizarre… Lâchais-je à voix basse, comme si j’avais l’impression que quelque chose de terrible allait nous arriver si on remarquait notre présence ici.

Je n’étais peut-être pas si loin de la vérité.

Ce que le flanc de la montagne hantée nous dévoila était tout simplement ahurissant ! Nous étions littéralement tombé sur les ruines d’un champ de bataille ! Et au vu des traces laissées par les sorts qui avaient été utilisés et l’état de certains corps, celle-ci avait été des plus féroces. Mais ce qui était encore plus étonnant, c’était les énormes sillons qui lacèraient la roche. Ils ressemblaient à s’y méprendre à…

- Des traces de griffes ?

Intrigué et surpris, j’observai la paroie rocheuse avec un grand intérêt. Quel genre d’animal pouvait faire ça ?! Etait-ce seulement un animal ? A ma connaissance, il n’existait rien d’assez gros et puissant pour pouvoir labourer la roche comme s’il s’agissait de beurre. Enfin… Les seules créatures qui me venaient à l’esprit avaient disparu depuis bien longtemps et ne vivaient plus qu’à travers les légendes…

Complètement absorbé par cette découverte, je laissai un cri de surprise m’échapper lorsque Raïssa me plaqua au sol. J’allais lui demander ce qu’il lui avait pris lorsqu’un horrible cris strident retentit. Tout en me tenant les oreilles - espérant ainsi atténuer la douleur provoquée par ce son désagréable mais sans grand succès… - je reportai mon attention sur l’origine de ce bruit. Je n’arrivai juste pas à en croire mes yeux !

- Il faut faire quelque chose ! Cette personne est en train de se faire dévorer !

N’attendant nullement l’avis de Raïssa, je me relevai et fonçai en direction du volatile géant, bien décidé à sauver sa pauvre victime. Je n’avais pas réellement pris le temps d’observer ou d’analyser la situation. Dès que j’avais remarqué que le Banshee attaquait en réalité une personne, je m’étais redressé et lancé sur le champ de bataille. Je n’avais nullement réfléchi, me contentant de suivre mon instinct. Mais alors que je venais à peine de parcourir quelques mètres que je me fis une nouvelle fois plaqué au sol ! Zeïph venait de m’écraser de son poids et je me retrouvai à présent face contre terre, ou plutôt face contre neige...

*- Mais putain ! T’es complètement con ou t’as aucun instinct de survie ?!
- Laisse-moi ! Il faut sauver cette personne !
- Tu ne peux rien faire, idiot ! C’est un esprit. Cette personne est déjà morte !
- On ne peut pas la laisser ainsi !
- C’est trop tard ! Le Banshee l’a déjà bouffé !

A ces mots, je reportai mon regard en direction de l’oiseau mortel. L’esprit avait effectivement disparu. Est-ce que le Banshee l’avait réellement dévoré…? Choqué, je continuai de fixé l’espace à présent vide, n’ayant même pas remarqué que le volatile n’était même plus là. Ce n’est que lorsqu’une ombre se mit à tournoyer au-dessus de nous que je compris la situation…

* Enterre-nous !*

Le griffon n’avait pas besoin de le dire deux fois !

Me servant une nouvelle fois de mes pouvoirs, j’écartai l’épaisse couche de neige juste en-dessous de mon familier et moi et fit en sorte qu’elle nous recouvre. Nous nous retrouvâmes ainsi enterré à un mètre ou deux sous la neige. Il n’y avait plus qu’à espérer que Banshee estime que le jeu n’en vaut pas la chandelle et qu’il s’en aille…

* Je t’assure que si je ne mourais pas dans le processus, je t’aurai tué depuis un moment, le démon…*

Je ne répliquai rien, trop concentré sur les bruits de pas qui se faisait entendre à la surface, priant pour qu’il s’agisse de ceux de Raïssa et non pas de ceux du Banshee…

Terré sous plusieurs mètres de neige avec Zeïph, je n’écoutais que d’une oreille distraite les remontrances du griffon, trop concentré à maintenir un espace entre la neige et nous, histoire que nous ne finissions pas totalement ensevelis. Le reste de mon attention était dirigée vers la surface. Je m’attendais à voir les serres ou la tête du Banshee plongé dans la poudreuse à tout moment.

Il se passait des choses étranges là-haut…

Des pas pressés, des cris d’animal affolé, une étrange aura et pour finir, une chute violente, de nouveau des pas et des râles d’agonie. Étrangement, je percevais tout cela avec une certaine netteté des plus inhabituelle.

* Je parie que l’autre monstre est à l’origine de tout ce ramdam…*

Une remarque qui m’incita à reporter mon attention sur Zeïph. Venait-il de partager ses sens avec moi ? Décidément, avoir un familier pouvait s’avérer très utile. Dommage que celui-ci ait aussi mauvais caractère…

Et puis, un “léger” détail me revint à l’esprit. Dans ma hâte de sauver cette pauvre âme d’amnée, j’avais laissée Raïssa seule. Je l’avais laissé seule avec le Banshee…

* Et merde ! *

Paniqué à l’idée qu’il ait pu arriver quelque chose à la zoologiste, j’entrepris de m’extirperde ma cachette. Mais à peine avais-je esquisser le moindre mouvement que la voix de la jeune femme se fit entendre, annonçant que la voie était libre. Poussant un soupire de soulagement, je regagnai donc la surface.

La scène que je découvris me laissa complètement pantois…

- Mais qu’est-ce que…

L’oiseau était au sol, à l’agonie, tandis que la brunette profitait de la situation pour griffonner je ne savais quoi dans son carnet.

- Comment c’est arrivé ? C’est vous qui avez…

Un cri des plus pitoyabl les m’interrompit. Je reportai mon attention sur le Banshee, une lueur de tristesse dans le regard. Cet animal mourrait lentement… Que lui était-il arrivé ? Il y a moins de cinq minutes de cela, l’animal était en pleine chasse et voilà qu’il était maintenant à l’article de la mort. Le plus surprenant dans l’histoire c’est qu’il n’avait aucune blessure apparente.

- C’est vous qui avez fait ça ? Comment est-ce arrivé ?
* Je te l’avais dit qu’elle était louche…*

Un nouveau cri de souffrance. Je sentis mon coeur se serrer de peine. C’était la première fois que je voyais la mort d’aussi près, si on mettait de côté ma dernière altercation avec Noctis et Nero. Mais il y avait une différence entre voir la mort planer au-dessus de sa propre tête et de la voir planer au-dessus d’une tierce personne, ou d’un animal dans ce cas-ci.

- On ne peut pas le laisser comme ça… Soufflais-je tandis que je m’accroupissais à proximité de l’animal.

Maintenant que je n’étais plus en danger de mort et que je pouvais observer l’animal de près, j’eu tout le loisir de constater à quel point il était impressionnant et - d’une certaine façon - magnifique. Jamais auparavant, je n’avais vu de telle bête. Elle ne méritait pas de mourir…

* Dis-moi que tu n’es pas sérieux…*

Comprenant par là que je n’obtiendrai aucune aide de la part de mon familier, je plantai mon regard - qu’on aurait pu facilement comparé à celui d’un chien battu - sur Raïssa. Après tout, elle était zoologiste. S’il y avait bien quelqu’un qui était en mesure d’aider l’animal, c’était bien elle.

«La vie est cruelle», une phrase que j'avais souvent entendu mais dont j'allais comprendre tout le sens aujourd'hui.

Complètement dépité, je fixai Raissa, espérant qu’elle se montrerait plus coopérative que le griffon qui nous accompagnait. Malheureusement, selon ses dires, l'animal était condamné. On ne pouvait rien faire pour le sauver.

- Je… Non, je ne savais pas. Avouais-je un peu honteusement. Est-ce que c'était vraiment nécessaire d'en arriver là ? On ne pouvait pas simplement le faire fuir ?

- Te rends-tu comptes que c’est un peu de ta faute si cette bête en est là ? Si tu ne t’étais pas jeté dans la gueule de loup, comme un idiot, pour sauver un être perdu d’avance, cet animal serait encore en bonne santé à l’heure actuelle*

Je restai silencieux, fixant le Banshee toujours en train d’agoniser, ses pauvres cris ne cessant de me fendre le coeur. Que pouvais-je répondre ? Au fond de moi, je savais que mon familier avait raison.

Peut-être pouvais-je réparer mon erreur et le sauver ?

*- Mais… Tu es idiot ou lunatique ? Il y a cinq minutes à peine tu voulais lui rentrer dedans et maintenant tu veux le sauver. Il faudrait savoir ce que tu veux !
- Je… Je pensais juste…*

Un nouveau cri de souffrance, qui me fit grimacer. Ne pouvait-on vraiment rien faire pour le sauver ? Combler son vide magique ? Si on se fiait aux dires de la zoologiste,c’était une cause perdue. Moi-même je ne voyais pas comment l’aider à récupérer assez d’énergie pour survivre. Il n’y avait, finalement, qu’une seule chose que je pouvais faire pour aider cet animal. Me redressant, je passais une main dans mon dos, me saisissant de la poignée de mon épée. Toutefois, je ne dégainai pas, peu sûr de vouloir et d’être capable de prendre une vie.

*- Tu parles d’un démon…*

En train de peser mentalement le pour et le contre de l’action que je m’apprêtai à faire, je ne réagis pas à la réflexion de Zeiph. Lorsqu’il sauta brusquement sur le Banshee, le saisissant à la gorge, j’eus un sursaut. Le temps que je comprenne ce qui se passait et que je réagisse, le volatile était déjà mort.

- Non...Mais ca va pas !?

*- Ferme-la, tu veux ? Je viens de vous rendre service à tous les deux, d’accord ? Maintenant, préviens l’autre fausse humaine qu’elle a cinq minutes pour récupérer ce qu’elle veut sur le piaf avant que je le mange.¨
- Tu ne vas quand même pas…
- Bien sûr que si ! Tu sais depuis combien de temps j’ai rien avalé ? C’est le cycle de la vie mon grand… Les animaux chassent ou sont chassés, meurent, se font ensuite bouffer et ainsi de suite. Il serait peut-être temps de grandir…*

Complètement dépassé par ce qu’il se passait, je préférai jeter l’éponge et m’éloignai de la carcasse du Banshee, m’installant au côté du Raïssa dans un soupir dépité.

- Si  vous voulez récupérer quelque chose sur le Banshee, c’est le moment. Annonçais-je

Curieux de savoir ce que la jeune femme griffonnait depuis plusieurs minutes maintenant, je ne pus m’empêcher de loucher discrètement - mais pas tant que ça, à vrai dire… - sur son carnet. J’inclinai légèrement la tête, essayant de décrypter son écriture mais en vain. Ce petit bouquin avait l’air assez bien rempli.

- Vous faites ça depuis longtemps ? Demandais-je dans le but de me changer un peu les idées. Vous avez rencontré d’autres créatures… Enfin, je veux dire… Est-ce que vous avez uniquement répertorié des créatures originaires d’ici ou bien avez-vous visité d’autres contrées ?

Malgré ma tentative pour me distraire, je ne pu m’empêcher de reporter mon attention sur le cadavre du Banshee. Zeiph avait finalement déjà entrepris de le dépecer, ce qui me fit grimacer de dégoût. Le griffon avait visiblement une notion du temps des plus approximative…

Je lassai une énième soupir m’échapper, blasé tant par la situation que le comportement de mon familier. Penser que cet animal se retrouvait dans un tel état de ma faute me faisait culpabiliser au plus haut point…

Mentir, ce n’était vraiment pas mon truc…

Malgré ma tentative pour détourner mon attention du repas qu’était en train de faire Zeiph, fut vaine.  C’était tout bonnement et simplement dégoûtant. Ne pouvait-il pas simplement se contenter de la chair, fallait-il vraiment qu’il s’attaque aux viscère de l’animal ?

* Ah mais.... C’est le meilleur morceau voyons !*

Je grimaçai une énième fois à la pensée de mon familier. J’étais certain qu’il le faisait exprès…

La voix de Raïssa me força à focaliser mon attention sur elle et non plus sur le macabre festin du griffon. A en croire ses dires, elle avait crapahuté un peu partout à travers le monde, y compris en Enfers. J’haussai d’ailleurs les épaules suite à sa remarque sur ma terre natale.

- Pas vraiment, je ne me suis jamais balladé au-delà du domaines familial ou du deuxième cercle. Il n’y a rien de vraiment dangereux là-bas. Jusqu’où êtes-vous allée ?

J’étais vraiment curieux de le savoir. Pour rencontre une population un peu plus “musclée” - comme le disait si bien la zoologiste - il fallait déjà s’avancer bien loin dans les cercles infernaux. Ce qui était encore plus étonnant, c’est qu’elle était revenue vivante. Au-delà du cinquième cercle - ultime zone sous l’influence des Clans et du Diable -, le danger rôdait partout. Si ce n’était pas les barbares qui essayaient de vous tuer, la faune et la flore s’en chargeraient très bien.

- Je dois avouer que je suis un peu impressionné.

Non, je ne donnais pas cher de ma peau si on me laissait dans un tel environnement. Alors imaginer qu’un petit gabarit comme cette jeune femme avait réussi à braver les dangers des derniers cercles, ça me laissait admiratif. Peut-être n’était-elle pas aussi inoffensive qu’elle semblait l’être.

* Ah ! Tu te montres enfin sensé !

Je ne relevai pas la remarque de mon familier, bien trop surpris par le geste de la jeune femme qui se tenait face à moi. Elle venait de poser sa main sur ma joue, comme le ferait un mère avec son fils, comme le faisait autrefois Yukia avec moi… Ce geste devait paraître anodin pour la brunette - quoiqu’il est rare d’être aussi tactile avec des gens qu’on connaît à peine, non ? - mais il me déstabilisai quelque peu, si bien que je mis un certain temps à lui répondre.

- Je… heu… Je fais partie d’une g… Je me rattrapai maladroitement, me rapellant subitement qu’il n’était guère recommandé de parler de la guilde aux civils, à moins de repérer un membre prometteur. Une auberge ! Je travail dans une auberge ! Je suis aubergiste… Enfin… Non. Je suis plutôt commis, dans une auberge.

Plus suspect que ça, tu meurs…

- D’ailleurs, si vous cherchez un endroit pour passer la nuit, c’est le lieu idéal ! C’est pas cher, on y mange bien et le rapport confort-prix est plutôt juste…
Si elle résidait ici depuis plusieurs jours, il y avait de grande chance pour que Raïssa possède déjà une endroit où loger. peut-être avait-elle son propre logement, après tout je ne savais pas si elle résidait à Moonlight City depuis longtemps ou non. Le fait qu’elle ne connaissait pas la Montagne Hantée mais fait supposé que non, mais ce n’était là que des suppositions, après tout.

C’est effrayant comme certaines personnes peuvent être perspicaces sans même le savoir !

J’eus un petit rire nerveux tandis que Raïssa s’amusait à dresser de moi un portrait qui - s’il devait sembler fantasque à la jeune femme - était plus proche de la réalité qu’elle ne pouvait s’en douter.

- Ahah… Je manie effectivement l’épée mais je l’ai oublié au QG… Enfin dans ma chambre, à l’auberge. Quant au Dragmar… Ca dépend du fils dirons-nous. Rétorquais avec un sourire gêné.

Je ne savais si elle possédait la faculté de lire dans le passé ou les pensées des gens mais si ce n’était pas le cas, cette femme était tout bonnement effrayante.

*Allez ! Ouvrons donc les paris ! Combien de temps avant qu’elle ne découvre le pot-aux-roses concernant la Guilde ? Moi je parie sur moins de de vingt-quatre heure vu ta maladresse!

Je détournai mon attention de la brunette et fusillai le griffon du regard. Je m’appretai à l’ensevelir une nouvelle fois dans un tas de neige mais l’animal pris son envol.

* Ah ! T’as cru m’avoir encore une fois, hein ?! On se retrouve plus tard, morveux ! Essaie de pas te faire bouffer par ce monstre.

Je soupirai tandis que je fixai l’oiseau prendre s’élever dans les airs pour je ne sais où. Je souriais tout de même. Contrairement à la première fois où nous nous étions séparé, Zeïph m’avait laissé son esprit ouvert. Et puis, n’avait-il pas dit que l’on se reverrait plus tard ?

- Pas de soucis, je me chargerai de vos dépenses pour cette nuit ! Et si vous le désirez, on peut se lancer à la recherche d’un job dès demain. Ce n’est pas le travail qui manque à Moonlight City ! Le reste suivra une fois que vous aurez un emploi, et mon patron ne verra sans doute aucun inconvénient à vous louer une chambre tant que vous aurez de quoi le payer. Mais sur ce, si vous voulez bien me suivre…

Je tendis galamment une main à la jeune femme et nous téléportai jusqu’à l’auberge une fois que cette dernière l’eut saisi. Nous atterîmes donc dans la salle principale de l’Ourson Tacheté. Il s’agissait d’un bâtiment à la fois coquet et rustique. Des murs en pierre, des meubles en bois brutes, quelques tonneaux d’alcool derrière le bar, des chopes en terres cuites, un plafond avec poutres apparentes. Bref ! Le cliché de l’auberge qu’on retrouve dans n’importe quelle roman de fantasy. Toujours est-il que l’endroit était chaleureux et accueillant, Vraag avait tout pensé de sorte à ce que ses clients se sentent ici comme chez eux et, dans l’ensemble, il fallait avouer que cela était plutôt bien réussi.

- Tiens, gamin ! Tu rentres tôt ! Je ne m’attendais pas à te voir avant la fin de la journée, si pas demain ! Qui est-ce que tu ramènes ? Questionna Vraag tandis qu’il passait la tête par le passe-plat de la cuisine pour voir qui venait de pénétrer dans son auberge.

- Vraag, je te présente Raïssa, une nouvelle cliente ! Raïssa, je vous présente Vraag, mon patron et tenancier de cette auberge.
- Bien le bonjour ma p’tite Dame ! M’en voulez pas mais je suis un peu occupé ! Je vais laisser le gamin s’occuper de vous. On se croisera sans doute plus tard !
- Vraag ! Attends, il faut qu’on discute de quelque chose, j’arrive dans deux secondes.

Et tandis que l’hybride disparaissait dans ses cuisines, je me tournai vers Raïssa, toujours un léger sourire crispé sur le visage. Finalement, je ne savais pas c’était une bonne idée de m’engager à prendre moi-même la jeune femme en charge pour cette nuit. Je n’étais pas certain que Vraag accepte cela. Il pouvait être papa poule par moment…

- Donc… Je vais rejoindre Vraag quelques secondes en cuisine. Mettez-vous à l’aise ! Si jamais, il y a des flyers sur le dressoir là-bas. Dis-je tout en désignant du doigts ledit meuble. Il y a énormément de chose à voir et à visiter ici, donc n’hésitez pas à les feuilleter et à me dire si quelque chose vous tente.

Une fois ma tirade finie, je m'éclipsai dans la cuisine, m’apprêtant mentalement à devoir affronter Vraag…