Les saynètes du facteur [Pv Alarick]

Tout n’était que sang, feu et mort autour d’elle.

Elliara était complètement déboussolée et une horrible douleur lui tiraillait le flanc droit. C’était le chaos complet autour d’elle. La fumée l’empêchait de voir clair mais elle entendait des coups feu ainsi que des cris, des cris de douleur et d’agonie… Mais qu’est-ce qu’il s’était passé, au juste ?

- Elliara ! Allez ma grande, debout ! Lève-toi !

La jeune femme posa son regard perdu sur le propriétaire de cette voix, mettant un moment à le reconnaître. C’était Alex. Alors que celui-ci essayait tant bien que mal de la soulever, elle retrouva pleinement conscience. C’était une embuscade ! Ils étaient en train de se faire massacrer, littéralement. Il fallait qu’ils bougent, et vite ! Consciente de ce fait, Elliara essaya de se relever, tant bien que mal. Elle y parvint, non sans laisser un cri de douleur lui échapper, malgré ses efforts pour le contenir. Aussitôt sur ses deux pieds, elle sentit un bras s’enrouler autour de sa taille tandis qu’elle se faisait entraîner dans la course folle d’Alex. Les balles continuaient de pleuvoir derrière eux, mais ils ne s’en souciaient guère. Tout ce qui comptait pour l’instant, c’était de sortir de cette boucherie. Mais au bout de quelques mètres, ils s’écrasèrent, face contre terre. La sorcière se redressa assez rapidement et reporta aussitôt son attention sur son frère d’arme. Elle se figea de terreur lorsqu’elle constata que son crâne avait été perforé par une balle.

- Non… Non, non non… Alex!

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Ses propres cris la réveillèrent. Elle se redressa brusquement dans un sursaut; complètement en nage. Son coeur tambourinait si fort dans sa poitrine qu’il lui semblait que l’écho de ses battements était le seul bruit que ses oreilles étaient capables de percevoir, pour l’instant. . L’image du cadavre d’Alex complètement ensanglanté et gisant dans le sable dansait encore devant ses yeux. Elle passa une main sur son visage pour essayer de chasser cette image et récupérer son calme.

* Ellie… Tout va bien ? *

- Oui, oui. C’était… Juste un cauchemard. Répondit la jeune sorcière alors qu’elle quittait le divan qui lui servait de lit depuis son retour à Moonlight City.

Elle se dirigea vers la cuisine et se prépara un café. Un bruissement d’ailes attira son attention. Minerva venait de la rejoindre dans la petite cuisine. Perchée sur une chaise le hibou fixai sa maîtresse d’un air inquiet. La jolie blonde saisit son café et s’approcha d’elle.

- Tout va bien. Je t’assure. Dit-elle tout en gratifiant l’animal d’une caresse, espérant ainsi la rassurer.

Elle quitta ensuite la cuisine pour se rendre au rez-de-chaussé. Cette partie du bâtiment était occupée par le commerce de sa mère. Il s’agissait d’une herboristerie où les sorciers et autres guérisseurs pouvaient trouver à peu près tout ce dont ils avaient besoin pour créer leurs potions et autres préparations en tout genre. Elliara sorti dudit magasin et s’adossa à la devanture. Elle avait besoin de prendre l’air. Il était encore très tôt pourtant la chaleur se faisait déjà ressentir. Dehors, tout était calme, les commerçants ne s’activeraient dans quelques heures. Pourtant des bruits de pas résonnaient dans la rue déserte. Intriguée la jolie blonde reporta son attention vers la personne qui venait de faire son apparition. Qui pouvait bien traîner dans ce coin de la ville à une telle heure ?

Elliara eut très vite la réponse à sa question.

Tout en sirotant son café, l’invocatrice plissa les yeux pour essayer de mieux distinguer l’individu qui venait de faire son entrée dans la rue commerçante. A en juger par sa stature, il devait sans aucun doute s’agir d’un homme. Il était flanqué d’un chien qu’elle avait également assez de mal à distinguer, vu la distance qui les séparait d’elle. Curieuse, Elliara resta postée là où elle était, attendant que l’étrange duo se rapproche.

Elle haussa un sourcil, reconnaissant facilement la casquette des services postaux. Son quartier avait donc un nouveau facteur ? Et quel facteur ! Il avait une dégaine des plus… Inattendue ? Il était plutôt grand et arborait une longue chevelure sombre. Mais ce qui attira le plus l’attention de notre jolie blonde fut l’hématome qui trônait fièrement sur son visage, sans parler de son allure générale. Le nouveau facteur avait plus l’apparence d’un gars ayant fait la tournée des bars la vieille que celle d’un facteur faisant la tournée des boîtes aux lettres.

Soudain, son compagnon à quatres pattes se mit à courser un chat qui eut le malheur de passer par là. Elliara eu alors droit au tableau le plus improbable qu’elle n’ait vu depuis un bon moment. Alors que le chien courait après le pauvre petit félin, il était lui-même suivit par son maître. La jeune sorcière ne pu s’empêcher de pouffer de rire face à cette scène semblant tout droit sortie d’un cartoon.

* Les mammifères sont vraiment idiots…*

Ellie reporta un instant son regard émeraude vers son familier. Celle-ci s’était perchée sur l’enseigne de magasin d’Élise et regardait la scène qui se déroulait sous ses yeux avec un certain dédain. Même après toutes ces années, Minerva semblait toujours autant mépriser les bêtes à poils.

Enfin, l’homme à la chevelure sombre réussi à calmer son animal en lui posant sa casquette sur la tête, ce qui ne sembla plaire à ce dernier puisqu’il se mit à râler sur son maître, faisant sourire Elliara. Ils avaient l’air de former bien une bien étrange paire. Ledit maître reprit ensuite sa tournée, non sans jetter un regard furtif vers la sorcière, ce qui ne passa pas inaperçu auprès de celle-ci.

* Non mais.. Regarde-le ! Ce sac de puces à l’air complètement idiot…*
- Je le trouve plutôt mignon, moi.

Avait-elle dit ça tout haut ? Parce que si c’était le cas, ça pouvait porter à confusion… Malheureusement, la blonde n’eut le temps de s’interroger plus sur la question que la voix de sa mère parvint à ses oreilles.

- Je suis devant le magasin, je te rejoins tout de suite.

Elle jeta un dernier regard vers le facteur et lui adressa un signe de la main en guise de salutation, avant de rejoindre sa mère. Au premier abord, l’homme avait l’air quelque peu étrange - son apparence du jour jouait beaucoup sur cette impression - et pourtant, Ellie ne pouvait s’empêcher d’être quelque peu intriguée. Il avait l’air particulier, ce nouveau facteur.  

Il fallait qu’elle se trouve un job, et vite…

Accoudée derrière le comptoir du commerce de sa mère, Elliara regardait cette dernière donner quelques conseils à une vieille dame venue faire ses emplettes. Cela faisait deux heures que ça durait. La petite mamie hésitait entre deux ingrédients pour préparer une potion dont Ellie avait déjà oublié l’effet. En réalité, elle s’en fichait complètement. Élise essayait de la conseiller de son mieux, mais rien ne semblait convenir à la cliente.

* Si cette bobonne ne se décide pas vite, je vais faire un massacre... *

La jolie blonde laissa un soupire d'exaspération lui échapper à cette pensée. Elle détestait ça, travailler dans la vente. Elle était loin d’avoir la fibre commerciale. Être aimable et souriante en tout circonstance, donner des conseils aux clients, rester enfermée au même endroit, non… Ce n’était pas pour elle. Elle n’avait aucune patience face au comportement de certaines personnes et son franc parler avait tendance à déplaire. Non, elle n’était décidément pas faite pour la vente. Mais bon… Elle n’avait pas vraiment mieux à faire pour l’instant, alors si elle pouvait soulager sa mère, elle le faisait de bon coeur.

Mais cette vieille dame commençait sérieusement à l’exaspérer…

- Sinon, vous n’avez qu’à prendre les racines de mandragore ET les plumes de griffon. Ca évitera qu’on perde encore deux heures en débat complètement inutile…Finit-elle par lâcher sur un ton peu avenant qui laissait transparaître son exaspération.

Les deux femmes qui étaient jusque-là en pleine discussion se turent et se retournèrent simultanément vers la plus jeune.  Alors que la cliente affichait un air outré, sa mère lui faisait les gros yeux, lui faisant comprendre qu’elle ferait mieux de se taire. Agacée, Elliara croisa les bras. Bon, elle allait devoir supporter cela jusqu’à la fermeture du magasin, visiblement…

Heureusement, sa mère trouva une excuse pour la faire déguerpir du magasin. C’est ainsi qu’Elliara se retrouva au bureau de poste de la ville avec une dizaine de paquets de marchandise à livrer et Garlan pour l’aider à transporter le tout. La jeune sorcière venait à peine d’entrer que de nombreux regards se tournaient déjà vers elle, chose qui avait le don de l’énerver. Et dire qu’elle avait réussi à se calmer quelque peu sur le chemin menant à la poste…

- Quoi ? Vous avez jamais vu une invocation de votre vie ?

Décidément, ce n’était pas sa journée… Elle laissa un énième soupire lui échapper, repris un peu de contenance et se dirigea vers l’un des guichets, suivie de près par son esprits.

- J’aurais besoin de faire livrer ces colis aux adresses indiquées dessus, s’il vous plaît.Dit-elle distraitement tout en déposant la marchandise sur le comptoir du guichet. Une fois que le dernier fut empilé, elle reporta son attention sur la personne qu’elle avait en face d’elle. Tiens, mais ce ne serait pas ce cher facteur. Vous êtes tout seul aujourd’hui ?

Elle avait dit cela avec un léger sourire tandis qu’elle se remémorait la course poursuite quelque peu cocasse de la dernière fois.

Elliara adorait les chiens.

Pour elle, il s’agissait de l’animal de compagnie par excellence, à l’exception de Minerva bien sûr. Mais Minerva était différente, ce n’était pas un simple animal. C’était son âme soeur. Aussi afficha-t-elle un sourire amusé lorsqu’elle vit que l’acolyte à quatre patte du facteur était aussi présent, de l’autre côté du guichet. Il était surgi de nulle part, avec un grand sourire et affirmait que son maître était incapable de se débrouiller sans lui. La jolie blonde ne pu s’empêcher de rire. C’est qu’il avait la langue bien pendue, ce chien !

Malheureusement, la pauvre bête fut interrompue en plein discours par l’homme à la chevelure sombre. Ellie reporta son regard émeraude sur ce dernier tandis qu’il lui demandait un nom et un signature pour l’envoi des colis.

- Vous pouvez mettre ça au nom d’Élise Rain.Dit-elle tout en signant le formulaire que lui tendait son vis-à-vis.

Concentré sur le papier, la sorcière ne releva pas la remarque du canidé et l’état dans lequelle cela avait mis son propriétaire. Elle fut distraite de sa tâche par Garlan qui lui tapotait l’épaule et se retourna donc vers lui, tout en haussant un sourcil lorsqu’elle vit qu’il pointait le facteur. Reportant son attention sur celui-ci la blonde remarqua qu’il était rouge comme un pivoine.

- Il veut savoir ton prénom et te trouve jolie.
- Pardon ?

Est-ce qu’elle avait raté un épisode ?

- Le chien. Précisa alors l’esprit de la nature.

Ah… Elle comprenait un peu mieux maintenant. Même si cela n’expliquait pas pourquoi ce cher facteur avait littéralement changé de couleur. Serait-il timide ? Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir ! Ayant une idée précise en tête - à savoir déterminer si le jeune homme face à elle était un grand timide, chose dont elle doutait peu, finalement - Elliara se dressa sur la pointe des pieds, de sorte à pouvoir voir le beauceron.

- Je m’appelle Elliara. Et lui, c’est Garlan Dit-elle tout en montrant l’esprit du pouce, sans même se retourner. Et effectivement, je travaille dans la boutique devant laquelle j’étais postée, l’autre jour. C’est une herboristerie. On y trouve tout un tas de choses. Vous n’avez qu’à passer une fois, je vous ferai faire le tour du propriétaire.

Elle s’accouda sur les colis posés sur le comptoir du guichet, se penchant sensiblement de sorte à avoir un meilleur champ de vision sur le chien, ce qui la rapprocha aussi du facteur, par la même occasion. Elle afficha un sourire taquin, s’en voulant déjà un peu de jouer de la sorte avec les pauvres nerfs de l’homme. Mais bon, elle avait envie de s’amuser un peu. Et puis, ce n’était rien de bien méchant.

- Et… ces charmants facteurs ont-ils un nom ?

Derrière elle, les gens semblaient sérieusement à s’impatienter, ce qui la fit soupire d’agacement. Mais, à leur place, elle aurait aussi râler. Elle n’allait plus s’éterniser ici mais elle voulait tout de même connaître l’identité de ce duo atypique.

Mieux valait ne pas trop chercher Elliara.

- Bordel mais qui tu es ?!
- Tu peux m’appeler One Punch Man !

La jolie sorcière toisa de haut les deux démons qui avait essayé de l'entraîner de force avec eux malgré son “non” catégorique. Manque de pot pour eux, ils s’étaient attaqué à la mauvaise personne. Et tandis que l’un des deux hommes avait tenté de la saisir par le bras, l’invocatrice lui avait asséné un coup de poing qui l’avait mis K.O. D’où la question de son acolyte et la réponse de la jolie blonde.

Elle n’avait jamais été fan d’animation mais Peter l’était. Aussi en avait-elle regardé un nombre incalculable lorsqu’ils vivaient ensembles. Elle avait donc quelques références. Elle n’avait pas pour habitude de se servir de ces dites références mais l’alcool aidait un peu, dans ce cas-ci. Au moins, ces deux idiots avaient le mérite de l’avoir fait désaouler net. Son environnement semblait encore un peu tourner mais elle avait retrouvé sa pleine conscience, au moins.

- Dégage et emporte ton copain si tu veux pas que je te refasse le portrait aussi !Somma-t-elle à l’imbécile qui la regardait d’un air effaré.

Une fois que les deux hommes quittèrent son champ de vision, elle décida de quitter les lieux aussi. Elle avait passé la nuit à boire dans un bar situé dans un coin plutôt calme de la rue de l’Ombre. Pourquoi avait-elle trainé là-bas toute la nuit ? C’était une longue histoire…

Une histoire qui avait commencé lorsque sa mère lui avait suggéré qu’il serait peut-être temps qu’elle prenne en charge ses terreurs nocturnes, ce à quoi elle avait répondu qu’elle faisait simplement des cauchemars et qu’il n’y avait pas mort d’homme. Mais Élise avait insister pour savoir, Elliara s’était braquée et lorsqu’il fut question son père, elle s’énerva et quitta l’appartement situé juste au-dessus de l’herboristerie familiale.

* Mais quelle imbécile tu fais !!* Fulmina-t-elle tandis qu’elle se remémorait la dispute qui avait eu lieu plus tôt dans la journée.

En route vers la maison, elle se laissa aller à ses pensées tandis que le jour pointait le bout de son nez.

Elle n’avait tout simplement pas la force d’en parler, de ce qui c’était passé. Ce qu’elle avait fait là-bas, sur le champ de bataille, était juste… Impardonnable. C’était à elle de porter cette croix, seule. Elle ne pouvait simplement pas en parler autour d’elle, elle ne voulait inquiéter personne mais surtout, elle était bien trop fiere pour admettre ses peurs et ses faiblesses. “Être droite, forte et fière en toute circonstance”. C’était le credo de son père, quelque chose qu’il n’avait cessé de lui répéter jusqu’à ce qu’il l’exile. Elle en avait fait son adage, à son tour.

Son père… Elle ne voulait même pas y penser, c’était pire que le Moyen-Orient.

Elle revint à la réalité lorsqu’elle remarqua qu’elle était enfin arrivée à destination. Elle ne rêvait que d’une chose: son lit. Enfin… Le divan. Malheureusement, une fois devant la porte, elle ne trouva pas ses clés. Elle les avait laissée à l’intérieur. Et d’ici, sa mère ne l'entendrait pas frapper à la porte ou crier. Il ne restait donc plus qu’à attendre que sa mère ouvre le magasin.

Subitement épuisée, elle se laissa glisser au sol, le dos contre la porte du magasin et la tête contre le chambranle.  Temps pis… Elle dormirait là. Elle avait cruellement besoin de sommeil. Mais alors qu’elle tombait doucement dans les bras de morphée une ombre vint cacher les doux rayons du soleil qui la réchauffaient quelque peu jusque là. Embêtée, Elliara laissa un grognement mécontent lui échapper. Elle ouvrit les yeux curieuse de savoir ce qui pouvait lui cacher ainsi le soleil et… Elle devint rouge comme une tomate lorsqu’elle remarqua que le facteur se tenait debout devant elle.

Il ne manquait plus que ça…

Elliara resta muette quelques secondes, complètement embarrassée par la situation. Elle n’était pas d’un naturel timide, loin de là, mais elle n’aimait pas se montrer aux gens dans l’état dans lequel elle était actuellement, c’est-à-dire encore un peu saoule, une tête de déterrée et une allure quelque peu débraillée. Elle n’était pas la femme la plus coquette au monde mais elle mettait un point d’honneur à être présentable, ce qu’elle était loin d’être présentement.

- Non, non ! Je vais parfaitement b…Annonça-t-elle en se redressant d’un bon.

Mauvaise idée…

A peine fut-elle sur ses deux pieds qu’elle fut prise d’une léger vertige et de nausée. Elle se tint à la porte du magasin et posa une main sur sa bouche. Non, elle ne se laisserait pas aller dans une situation pareille ! Heureusement, son petit malaise passa très rapidement. La jolie sorcière prit alors un grande bouffée d’air frais et reporta son attention sur ce cher facteur.

-La nuit a été un peu dure…Avoua-t-elle dans un petit sourire forcé et gêné.

Elle aurait pu trouver n’importe quelle excuse ou inventer une histoire mais Ellie n’était malheureusement pas du genre à mentir. La sorcière mettait un point d’honneur à être honnête et ce en toutes circonstances. Elle aurait bien aimé pouvoir mentir, parfois, mais elle était beaucoup trop intègre pour cela.

* Bon… Et maintenant… *

Un nouveau blanc venait de s’installer entre les deux jeunes gens. Habituellement, cela ne dérangeait pas Elliara. Elle était d’un naturel un peu distant et taciturne, aller vers les gens n’avait jamais été son fort. Elle n’était pas contre le fait de discuter avec des personnes mais en général la jeune femme ne faisait pas vraiment d’effort pour maintenir la discussion. Les choses étaient un peu différentes, cette fois-ci. D’abord parce qu’elle désirait faire oublier à Alarick l’état pitoyable dans lequel elle se trouvait. Ensuite, parce qu’elle éprouvait une certaine sympathie inexpliquée pour ce mystérieux jeune homme. Il dégageait quelque chose qui lui était familier, sans qu’elle ne sache de quoi il s'agissait précisément. Elliara avait l’étrange impression qu’ils se ressemblaient quelque peu, tous les deux. C’était vraiment étrange comme sensation et extrêmement compliqué à expliquer ou décrire.

Alors qu’elle essayait d’engager la discussion, un battement d’aile familier attira son attention. Elle releva le regard vers l’enseigne de magasin. Minerva y était perchée et toisait les trois individus au sol. Le visage d’Elliara s’éclaira aussitôt.

*- Génial ! Tu vas pouvoir m’apporter mes clés, je pense qu’elles sont restée dans le salon
- Pas question, je suis toujours en colère contre toi !*

Ah oui… Elle avait oublié ce détail. La veille, alors qu’Ellie se disputait avec sa mère, son familier avait tenté de la calmer mais en vain. Finalement, elle s’était aussi pris la tête avec le hibou. Mauvaise idée vu comment l’étrange oiseau pouvait être rancunier…

* On a pas fini notre discussion d’hier d’ailleurs ! *

Cette simple phrase suffit à mettre en rogne la sorcière. Elle n’avait plus envie d’en parler et elle n’était pas réellement en état de batailler avec Minerva, de plus. Mais lorsque cette dernière avait une idée en tête, il était compliqué de la la faire changer d’avis. Tel familier, tel maître. Sauf qu’Elliara était beaucoup plus têtue. Cet imbécile de piaf ne voulait la laisser rentrer, très bien ! Elle trouverait un moyen de passer le temps jusqu’à l’ouverture du magasin. Loin de cette bourrique de rapace !

- Est-ce que ça vous dérange si je vous accompagne vous et Le Chien ? Je suis malheureusement bloquée ici jusqu’à l’ouverture du magasin. Ca serait l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le métier de facteur.Demanda-t-elle à Alarick dans un sourire des plus charmants.

*- Quoi ?! Tu compte traîner avec ce sac de puces ?!
- C’est toi qui refuse de me laisser entrer…*

Minerva voulait la guerre ? Très bien alors, elle l’aurait !

Les hostilités avaient commencé…

Ce fut Le Chien qui répondit à Elliara lorsqu’elle demanda à Alarick si elle pouvait l’accompagner pour le reste de sa tournée. Elle ne pu s’empêcher de rire face aux dires du beauceron. Était-il en train de la draguer ? Un bon nombre de personnes avaient tenté de lui faire la cour - cela avait parfois réussi, et parfois pas - mais c’était bien la première fois qu’un chien se conduisait de façon aussi enjôleuse avec elle. Décidément, il n’y avait qu’à Moonlight City que l’on pouvait voir cela!

Toutefois, l’animal la délaissa bien vite la sorcière pour se diriger vers son familier. De là où elle était postée, Ellie ne pouvait voir l’expression du Chien mais celle de Minerva ne lui échappa pas. L’oiseau gonfla le poitrail et ouvrait grand les ailes, comme si elle mettait au défi le canidé d’oser l’approcher. Cette attitude fit redoubler les rires de sa maîtresse. Bon sang ! Depuis quand n’avait-elle pas ri comme ça ? Très longtemps, sans doute.

Les journées du facteur devaient être très animées avec un tel familier !

L’ex-soldat laissa là les deux animaux et rejoignit Alarick. Ce dernier commença à lui expliquer en quoi consistait sa fonction de facteur, littéralement. En plus d’être un grand timide, ce jeune homme semblait prendre les choses au pied de la lettre. Cela fit sourire l'invocatrice qui trouvait cela mignon. Néanmoins, ce petit exposé se révèla intéressant puisqu’elle appris certaines choses qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Elle dormira moins bête ce soir ! Enfin, ce matin, plutôt...

- Et… Est-ce que vous envoyez des lettres sur Terre ?

La question pouvait sembler idiote mais elle ne cessait de hanter Elliara depuis son retour à Moonlight City. Non pas qu’elle était passionnée par les services postaux, loin de là. Mais il y avait une personne qu’elle aurait aimé contacter et comme la barrière magique brouillait complètement les réseaux téléphoniques et que la fibre n’était toujours pas arrivée à Moonlight, il ne lui restait pas d’autres options que la correspondance écrite.

- Heu… Laissez tomber. Se reprit-elle presqu’aussitôt.

Contacter Camilla - la veuve d’Alex, l’un de ses défunts compagnons d’armes - n’était peut-être pas une bonne idée. Après tout, il était mort par sa faute. Camilla avait tenté de la convaincre du contraire à maintes reprise mais cette idée ne cessait de trotter dans la tête d’Elliara. Ils étaient tous morts à cause d’elle. Elle aurait pu les sauver, si elle avait fait appel à Amon plus tôt…

Une ombre passa juste au-dessus de la blonde, la tirant de ses pensées. Sachant très bien qu’il s’agissait de Minerva, elle chercha cette dernière du regard. Le rapace s’était perché sur une autre enseigne, de sorte à pouvoir englober le trio au sol de ses grands yeux ambrés.

*- Tu comptes nous suivre ?
- Pas question que je te laisse avec ce sac de puces… On discutera une autre fois, d’accord ?*

Elliara 1 - Minerva 0 !

Un sourire de satisfaction se dessina sur le visage de la jolie blonde. Elle venait de gagner quelques heures de répit.

Une douce odeur de pain chaud vint alors chatouiller ses narines, faisant immédiatement gronder son estomac encore imbibé d’un reste d’alcool. Soudainement assaillie par la faim, la jeune femme fit signe à son compagnon de fortune de l’attendre là. Elle se dirigea alors vers la boulangerie qui se situait non loin, à leur droite, et en sortit quelques minutes plus tard avec un sachet rempli de viennoiseries. Elle se saisit d’un pain au chocolat et tendit ledit paquet à Alarick. Un soupire d’aise lui échappa qu’elle savourait son déjeuner. Cela lui faisait un bien fou de se remplir l’estomac avec autre chose qu’un rhum de mauvaise qualité !

Les choses allaient beaucoup mieux quand on avait l’estomac plein ! Ou pas…

Un fin sourire s’était dessiné sur son joli minois tandis qu’Alarick saisissait le paquet de viennoiserie qu’elle lui tendait. Ce n’était pas grand chose mais cela lui faisait plaisir que le facteur accepte ce petit déjeuner improvisé. Elliara le détailla du coin de l’oeil, tout en mangeant son croissant. Ce jeune homme ne la laissait pas de marbre.

Il était bel homme, c’était indéniable. Grand, ténébreux et une carrure qui laisse devenir facilement qu’il devait avoir un corps bien entretenu. Typiquement le genre d’homme dont le physique fait des ravages auprès de la gente féminine. Mais ce n’était pas cela qui retenait autant l’attention d’Elliara, non. Elle n’était pas du genre à s’émouvoir pour si peu. Il fallait un peu plus qu’un physique avantageux pour retenir son attention. Mais il dégageait quelque chose de familier et indescriptible à la fois. Le sorcier donnait à Elliara l’impression d’avoir atterri dans le monde particulier qu’était Moonlight City un peu par la force des choses, comme elle. Ce n’était qu’une impression, cependant. Elle pouvait tout aussi bien se tromper et divaguer complètement. Toujours est-il qu’il l’intriguait grandement. Une grande première pour cette jeune femme d’un naturel solitaire.

Le grand ténébreux finit par la tirer de son observation furtive - mais qui ne devait pas l’être tant que ça - en lui demandant si elle voulait qu’il lui trouve un endroit pour qu’elle se repose. Bel homme, timide et avenant. C’est qu’elle commençait à apprendre quelques petites choses à son sujet au fil de leurs brèves entrevues !

- Ne vous en faites pas pour moi. je trouverai bien de quoi m’occuper en attendant l’ouverture du magasin.

Elle lui offrit un léger sourire tandis qu’un blanc s’installait entre eux. Elle aurait bien voulu discuter encore un peu avec lui mais elle ne savait pas réellement comment entamer la discussion. Elle laissa alors un soupire ennuyé lui échapper alors qu’elle passait une main dans sa nuque. Elle n’était pourtant plus une adolescente timide !

C’est alors qu’elle se rendit compte qu’il lui manquait quelque chose…

En passant sur sa nuque, ses doigts n’avait pas rencontrer le contact familier de la chaîne à laquelle étaient accrochées ses plaques d'identification. Soudainement paniquée, Ellie fouilla frénétiquement les poches de son perfecto et de son jean. Rien. Elle avait perdu ses plaques d’identification…

- Non, non, non ! C’est pas vrai !
* Qu’est-ce qu’il y a ? *
- Mes plaques d’identification… Je les ai perdues !

La jolie sorcière ne s’était même pas rendue compte qu’elle avait dit cela à voix haute. Elle ne faisait même plus attention à ce qui se passait autour d’elle. Tout ce qui comptait pour l’instant, c’était de retrouver ces deux morceaux de métal si importants à ses yeux. Aussi, laissa-t-elle ses trois compagnons en plan et entreprit de rebrousser chemin, observant minutieusement le sol. Il fallait absolument qu’elle les retrouve…

Un peu d’aide est parfois la bienvenue.

Ellie détestait demander de l’aide. Elle était trop fière - beaucoup trop fière - pour cela. Mais pour une fois, elle n’aurait pas été contre un petit coup de main.

Sauf qu’elle était trop paniquée et absorbée dans sa recherche pour penser à demander quoique ce soit. Elle ne retrouverait jamais ses plaques. C’était impossible de retrouver deux objets si petits dans une si grande ville, surtout qu’elle ne se rappelait où elle aurait été susceptible de les égarer. Quand est-ce que se saouler toute la nuit lui avait paru être une bonne idée ?!

Elle avait perdu ses plaques…

Sa gorge se noua involontairement rien que d’y penser. Cela pouvait paraître ridicule aux yeux de certains d’accorder tant d’importance à un objet aussi anodin mais pour notre jolie blonde ce collier et ces deux plaques valaient plus que tout l’or du monde. C’était tout ce qui lui restait de l’armée, de  ses amis, de sa seconde famille. Ces plaques d’identification c’était la preuve que ce que qu’elle avait vécu n’était pas qu’un simple cauchemar. C’était ce qui lui permettait de ne pas oublier ses fautes, ses compagnons d’armes morts au combat et le poids qu’elle devrait porter jusqu’à la fin de ses jour. Ces plaques étaient son garde fou et la seule attache qu’elle avait avec son passé chez les sans-pouvoirs. Porter ces petits bouts de métal était sa façon à elle d’honorer ceux qu’elle avait perdu sur le champ de bataille. Il n’était pas question qu’elle les perde !

* Mais comment je vais les retrouver… Elles peuvent être n’importe où…*

La voix d’Alarick s’éleva tandis qu’elle scrutait le sol autour d’eux, faisant sursauter Elliara au passage. Apparement, Le Chien pouvait l’aider à retrouver ce qu’elle avait perdu. Il semblait même avoir trouvé une piste et remontait déjà celle-ci.

-Merci…Souffla-t-elle avec un sourire reconnaissant avant de suivre le beauceron.

Et tandis qu’Elliara emboitait le pas au familier du jeune homme à la chevelure d’ébène, Minerva pris son envol. Aucun mot n’avait été échangé avec sa maîtresse, cette dernière savait très bien ce que comptait faire le rapace. Elle allait quadriller la zone depuis le ciel. En combinant le flair du Chien et la vue perçante de Minerva, il y avait peut-être un chance !

Mais alors qu’elle avait déjà commencé à avancer, la sorcière s’arrêta, remarquant qu’Alarick ne les suivait pas. Elle le fixa un bref instant, incertaine de la marche à suivre. Une paire d’yeux supplémentaire n’aurait sans doute pas été de trop mais elle ne voulait pas le forcer. Déjà qu’elle avait réquisitionné son familier… Elle tenta néanmoins une approche.

- Vous ne nous accompagnez pas ?

Cela sonnait bien plus comme une question qu’une invitation. L’assurance naturelle d’Elliara avait complètement disparue, pour le coup. En lui demandant explicitement de la suivre, l’invocatrice avait l’impression de forcer Alarick. L’interrogation laissait au facteur la possibilité de battre en retraite s’il le désirait. Du côté d’Ellie, quelque chose lui criait en son for intérieur qu’elle ne voulait pas qu’il parte tout de suite. Mais de là à demander explicitement au sorcier de rester près d’elle… C’était une autre histoire !

Ils ne le savaient pas encore, mais ces deux jeunes gens avaient beaucoup plus commun que ce qu’ils pouvaient penser.

En voyant l’hésitation du facteur, Elliara s’en voulu quelque peu. Elle aurait mieux fait de le laisser partir de son côté. Visiblement, sa question força quelque peu l’homme à la rejoindre. C’est du moins l’impression qu’elle eu. Mal à l’aise, elle le suivit, lui et Le Chien, et lui souffla un timide “merci” tandis qu’il arrivait à sa hauteur. Alors que la sorcière pensait que la traque se ferait dans le silence, Alarick lui posa une question des plus déroutante. Il voulait savoir comment elle s’était retrouvé avec des plaques d’identifications, ajoutant qu’il ne savait pas que Moonlight utilisait ce genre de pratique. Il lui demanda ensuite si elle venait du monde des sans-pouvoirs.

Elle aurait peut-être préféré le silence, finalement…

L’invocatrice n’aimait guère parler d’elle, de son service militaire ou de son exil sur Terre - même si elle y a vécu de merveilleux moment - mais elle devait bien ça au jeune homme. Après tout, lui et son familier lui avaient offert leur aide pour retrouver les si précieuses plaques d’identification. Et puis, elle aurait bien voulu lui poser quelques questions, elle aussi. Il fallait avoir vécu un moment dans le monde des humains ou avoir été en contact plusieurs fois avec pour connaître les tags et leur utilisation.

- Je suis soldat… Enfin, je l’étais. J’ai servi chez les Marines pendant un bon nombre d’années.

Ca lui faisait bizarre de parler de sa fonction de militaire au passé. Elle avait l’impression qu’elle était toujours un soldat, qu’elle pouvait être mobilisée n’importe quand, qu’elle pouvait retourner sur le champ de bataille à tout moment. Elliara avait certes renoncé à sa carrière militaire mais elle resterait un soldat, quoiqu’elle fasse. C’était quelque chose de profondément ancré en elle.  On arrêtait pas d’être un soldat, jamais.

- Vous avez l’air plutôt bien informé sur le sujet… Vous avez vécu sur Terre ?Questionna-t-elle, à son tour.

Alors que les deux sorciers discutaient la piste suivie par Le chien les mena en dehors de l’avenue commerçante, vers le centre ville. A l’orée de la rue de l’ombre, pas loin de bar où Ellie avait passé sa nuit…

* Ne venez pas je dire que…*

Un homme surgit de la pénombre, un sourire triomphant sur le visage malgré le fait que l’attelle qu'il avait sur le nez lui donnait un air ridicule. Il s'agissait du démon à qui Elliara avait donné une bonne correction, un peu plus tôt. Il jouait distraitement avec les plaques de la sorcière. Le regard de celle-ci se fitplus dur, son attitude beaucoup plus sérieuse et froide. Quant à l'aura qu'elle dégageait, il annonçait qu’une chose : le danger.

- Alors tu te nommes Elliara, jolie poupée ? Au moins… Je saurai quel prénom inscrire sur la pierre tombale.

La blonde ne prit pas même une seconde pour réfléchir, elle allait lui donner une nouvelle leçon puisque la première n’était apparemment pas rentrée dans son crâne de piaf. Mais l'autre fut plus rapide. Ou plutôt, son complice fut rapide.

Cela ne dura qu'une fraction de seconde mais un éclat apparut dans son champ de vision périphérique. Instinctivement, la jeune femme se jeta sur le côté et entraîna Alarick dans sa chute tandis que les coups de feu résonnaient dans la ruelle où ils avaient atterri. Les deux sorciers se retrouvaient à présent cachés par l'angle d'un bâtiment. C'était une couverture plutôt sommaire mais qui leur évitait pour l’instant d'être sous la salve de balles lâchées par les deux démons.

Mais une douleur tirailla bien vite la cuisse d’Elliara. Elle n'avait pas battu en retraite assez rapidement et une balle lui avait éraflé la cuisse sur toute la largeur, y laissant une plaie plutôt profonde.

- Et merde ! Laissa-t-elle échapper dans un grognement de douleur.

Ce n'était pas joli à voir et plutôt douloureux mais elle essaya de faire fi de cette blessure pour l'instant. Il fallait qu'elle sorte Alarick et elle de ce traquenard au plus vite. Elle espérait que le chien avait pu se mettre à l'abri.

* -Minerva, tu les vois ?
- Il y en a devant, à 13 h.*

Ca avait ses avantages d'avoir un oiseau comme familier !

Suivant les indications de son familier, la sorcière se pencha de sorte à avoir une vue sur la ruelle et tira aussitôt. Un cri de douleur lui indiqua que son tir avait fait mouche. Elle s’adossa aussitôt au mur du bâtiment qui les couvrait. Il ne restait plus qu'à attendre que Minerva localise le second démon.

Elle ne s’attendait pas du tout à ce que la situation prenne une telle tournure.  

Toujours adossée contre le mur du bâtiment qui servait de couverture à Alarick et elle, Elliara attendait le signal de son familier pour neutraliser le second tireur. Si elle avait su que les choses tourneraient ainsi, la sorcière aurait tenté de contenir sa colère et serait restée chez sa mère la nuit précédente. Mais non… Elle s’était encore laissée emporté par son mauvais caractère et voilà où cela l’avait mené. S’il n’y avait eu qu’elle passe encore mais elle avait entraîné le facteur dans ses embrouilles, bien malgré elle. Il fallait à tout prix qu’elle le sorte de ce guet-apens.

Complètement focalisée sur cet objectif, l’ex-soldat ne remarqua pas tout de suite qu’Alarick avait bouger. Ce n’est que lorsque ce dernier s'engouffra dans la ruelle où se trouvaient leurs assaillants qu’elle en pris conscience. Elle le fixa un instant, complètement abasourdie. Elle ne connaissait pas ses capacités magiques, certes, mais c’était dangereux de foncer ainsi tête baissée, surtout pour un civile !

Mais visiblement, elle avait émis un jugement trop hâtif…

A voir l’assurance avec laquelle le jeune homme avançait dans le cul de sac, il savait ce qu’il faisait. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, il me le second tireur hors d’état de nuire. Il avait été rapide, méthodique et avait accompli sa tâche avec un calme olympien. Pour Ellie, cela en disait long sur son identité. Alarick n’était pas un simple facteur, c’était un combattant entraîné, peut-être un soldat, comme elle. Il aurait pu tout aussi bien être un mercenaire ou tout simplement un assassin mais elle n’y croyait pas trop. Pourquoi prendre un job de facteur dans ce cas ? L’attrait qu’elle avait pour ce jeune homme venait de se renforcer. Elle voulait savoir qui il était réellement.

Une fois sa besogne terminée, il revint vers elle, avec ses tags tout en s’assurant de son état. Elle lui offrit un sourire piteux bien que reconnaissant.

- J’ai connu mieux mais j’ai aussi connu pire…

Elliara n’était pas du tout du genre à s’apitoyer sur son sort. Alors elle serra les dents, se releva - non sans laisser un sifflement de douleur lui échapper - et avança. Elle s'engouffra à son tour dans le cul de sac où les deux démons les avaient surpris, voulant voir par elle-même l’ampleur des dégâts. C’était une véritable boucherie. L’homme qui avait eu affaire à Alarick était dans un état des plus pitoyables. Son corps était criblés de blessures, toutes plus impressionnantes les une que les autres. Il y avait d’ailleurs succombé… Le second ? Et bien, il s’était volatilisé. Et s’il avait un minimum d’intelligence, il ne devrait plus faire irruption dans les environs !

L’invocatrice se tourna ensuite vers Alarick, l’examinant avec une expression indescriptible. Etait-ce vraiment nécessaire de tuer leur assaillant, du moins de cette façon. Une balle entre les deux yeux était plus rapide et efficace. Moins douloureuse et cruelle, surtout. Elle aurait voulu demander au sorcier pourquoi il avait agi de la sorte, avec tant de violence, mais elle se retint. Elle était très mal placée pour lui faire la leçon, vu la quantité de sang qu’elle avait sur les mains. Et puis, c’était à cause d’elle s’il avait été forcé d’attaquer cet homme…

- Merci. Et désolée, de vous avoir entraîné là-dedans.

Une nouvelle fois, la sorcière offrit à son compagnon d’infortune un sourire, quelque peu crispé par la douleur cette fois-ci. L’adrénaline du combat ne faisant maintenant plus effet, son corps lui rappelait qu’elle avait une blessure assez sérieuse.

*La milice arrive, Ellie. Vous feriez mieux de quitter les lieux avant qu’ils ne débarquent*

Les soins devraient attendre encore un peu visiblement…

- Les miliciens sont en route. On ferait mieux de s’en aller…

Joignant les gestes à la parole, la jeune femme initia le mouvement et repris le chemin de l’avenue commerçante aussi vite que sa jambe blessée le lui permettait.

Vingt-quatre heures plus tard, tout était rentré dans l’ordre.

Elle en avait pris pour son grade lorsqu’elle était rentrée dans le magasin, complètement débraillée et la jambe en sang. Malgré l’inquiétude, Élise ne s’était pas gênée pour faire des remontrances à sa fille tandis qu’elle recousait sa cuisse. Profitant qu’Elliara avait les dents serrées à cause de la douleur, sa mère laissa libre cours à ses reproches. Son mauvais caractère, le fait qu’elle avait passé la nuit dehors et entraîné un étranger dans une rixe, son entêtement à lui cacher une bonne partie de sa vie sur Terre. Tout y passa, pendant une bonne heure.

Puis, c’est Alarick qui vint sur le tapis. Visiblement, sa mère l’avait entrevu alors qu’il l’avait raccompagnée. La poisse… Elliara avait essayé d’être la plus brève et évasive. Ainsi tout ce que sa mère savait c’est que le jeune homme était facteur et qu’il avait aidé sa fille alors qu’elle était dans une sale situation. La jolie blonde pensait que l’interrogatoire allait se poursuivre mais bizarrement la plus vieille en resta là. Étrange....

Le reste de la journée se passa le plus normalement et calmement du monde. la mère et la fille s’étaient très vite réconciliées. A vrai dire, elles étaient tout bonnement incapables de s’en vouloir. A présent, l’invocatrice n’avait plus que sa mère. Elle ne voulait pas que leur relation se brise comme ce fut le cas avec son défunt père.

Une nouvelle fois, Elliara fut sortie brutalement de son sommeil par ses propres cauchemars. Les coups de feu, les explosions, le sang et la mort ne cessaient de hanter ses nuit et sans doute que ce serait le cas jusqu’à la fin de ses jours. Mais elle l’avait accepté. Ne voulant pas s’attarder plus sur ses fantômes, la jeune femme quitta le divan pour la cuisine dans le but de préparer son habituel café matinal. La chaleur écrasante de l’été aurait dissuadé n’importe qui de boire une boisson chaude mais sans cela, elle était incapable de faire quoique ce soit. C’était ce qui lui permettait d’être bien éveillée.

Comme à son habitude depuis quelque temps, Ellie se dirigea ensuite vers les escalier menant au magasin. Inconsciemment, elle se préparait à attendre que la tournée d’Alarick se finisse par sa rue. Elle s’en rendit compte alors qu’elle était en bas de l’escalier. Est-ce une bonne idée de croiser le facteur après ce qu’il s’était passé hier ? Peut-être voudrait-il l’éviter vu les ennuis qu’elle lui avait attiré, ça serait normal…

- Ellie ? Tu es déjà debout ?
- Je te retourne la question

C’était assez inhabituel de voir sa mère s’affairer dans le magasin à cette heure, en dehors des jours d’inventaire et de livraison. Ce qui était encore plus étrange c’était que la porte d’entrée était grande ouverte et que sa mère  jetait fréquemment des coups d’oeil dans cette direction.

- Est-ce qu tu attends quelqu’un ?
- Oui ! Et le voilà justement.]Annonça sa mère alors qu’elle était sur le pas de la porte.

Curieuse, la jolie blonde rejoignit sa mère à l’entrée. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que la personne que sa mère attendait n’était autre qu’Alarick. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui vouloir ? Alors que les questions fusaient dans la tête de sa fille, Élise interpella le jeune facteur.

- Bien le bonjour ! Je vous attendais justement ! Je voulais vous remercier pour avoir aidé ma fille hier. J’espère qu’elle ne vous a pas causé trop de soucis. J’aurais aussi aimé savoir si vous étiez libre ce soir. J’aimerais vous inviter à dîner. Qu’en dites-vous ?

Ellie manqua de s’étouffer avec son café. Non mais elle voulait sa mort ?! Pourquoi tenait-elle tant à inviter Alarick ?! Pas que cela la dérange, loin de là. Mais tout ça cachait quelque chose, elle le sentait !

Élise avait parfois de ces idées !

Elliara essayait tant bien que mal de récupérer son souffle et un peu de contenance. Ne s’attendant pas du tout à une telle demande de la part de sa mère, elle avait manqué de s’étouffer avec son café. Inviter Alarick a diner chez elles ! Mais… Pourquoi ?! Elle n’avait fait que l’entrevoir la veille et voilà qu’elle l’invitait à sa table le lendemain. Ca sentait l’embrouille à plein nez !

Voilà bien longtemp que notre chère sorcière ne s’était sentie aussi embarrassée. Et elle n’était pas la seule, visiblement.

Alarick était rouge comme un pivoine, chose qui fit sourire l’invocatrice entre deux quinte de toux. Le Chien avait encore frappé, au grand dam de son maître qui ne semblait ne plus savoir où se mettre. L’animal lui, allait trouvé refuge aux pieds d’Élise qui se pencha pour lui gratouiller le haut de crâne.

- Quel flatteur ! Elle se redressa et reporta son attention sur Alarick Je suis ravie que vous ayez accepté ! Ce soir, 19h Cela vous va ?

Une fois la réponse du jeune homme obtenue, Élise le salua et regagna la boutique. Ellie, elle, resta là encore quelques instants, laissant son regard émeraude se poser partout sauf sur le facteur. Sa mère venait de la mettre dans un situation des plus embarrassantes !

- Vraiment… Désolée pour ça. Ma mère a parfois des idées un peu étranges. Mais, cela me fait plaisir que tu ais accepté.Avoua-t-elle, osant enfin regarder Alarick dans les yeux.

Elle l’avait tutoyé sans vraiment s’en rendre compte. Jusqu’ici Elliara avait toujours vouvoyé le jeune homme, mettant une sorte de distance entre eux. Elle avait fait ça plus par politesse qu’autre chose. Mais depuis hier soir, elle se sentait un peu plus proche du jeune homme, sans vraiment pouvoir l’expliquer. Elle lui offrit un magnifique sourire, le salua et le laissa finir sa tournée.

- Tu as invité le facteur à dîner. Sérieusement ?!
- Rectification, j’ai invité ton ami à dîner.
- Ce n’est pas…

La jolie blonde s’interrompit en remarquant le sourire qu’affichait sa mère. C’était donc ça son plan… Jouer les entremetteuses !

- On… On se connait à peine. Ne va pas te mettre des idées bizarres en tête ! Dit-elle, les joues aussi rouges que celles du facteur quelques minutes auparavant.Et puis… Après ce qu’il s’est passé hier… Je ne suis pas vraiment certaine qu’il veuille encore me côtoyer, tu sais.

Son regard se perdit un moment dans le vide. Quelque chose avait changé hier soir. Alarick avait s’était montré sous un nouveau jour. Il n’était pas le simple facteur qu’il paraissait être, ça Ellie en était certaine et cela l’intriguait, l’attirait même. Dans quel sens ? Elle n’en savait trop rien et elle ne voulait pas y penser à vrai dire. L’abandon de Peter était encore trop frais et douloureux pour qu’elle songe à s’ouvrir de nouveau à quelqu’un et ça même si Alarick ne la laissait guère de marbre.

- Et bien, ça sera l’occasion de faire plus ample connaissance. Annonça Élise avec un sourire espiègle, sortant au passage sa fille de ses pensées.

Cette dernière leva les yeux au ciel. Elle n’arriverait pas à faire entendre raison à sa mère alors autant entrer dans son jeu… Et puis, cela la réjouissait - quelque part - de pouvoir faire  plus ample connaissance avec le facteur. Mais ça, elle ne l’avouera jamais, et surtout pas à sa mère. Elle serait prête à les marier le lendemain !

- Bon ! Qu’est-ce que tu as prévu, du coup ? Demanda-t-elle, s’avouant vaincue, par la même occasion.

La soirée arriva bien trop vite au goût d’Elliara. Elle avait passé la journée au magasin, permettant ainsi à sa mère de tout préparer pour le dîner. N’étant pas vraiment doué pour préparer autre chose que du café, Ellie préférait la laisser gérer les fourneaux. Elle venait à peine de finir de se préparer que quelqu’un frappait déjà à la porte du magasin. C’était Alarick. Elle l'accueillit avec un grand sourire et l’invita à entrer dans l’herboristerie.