Quelle étrange journée, marchant pieds nus dans la neige vierge et froide de janvier, presque dénudée et pourtant si sereine. Marchant à pas feutrés comme si elle ne voulait troubler le
silence mystique de la forêt, marchant mécaniquement comme si elle ne savait encore ce que le bout du chemin lui réservait.
Shiaress avait quitté son Maitre, encore une fois. Un gentilhomme, âgé, et n'ayant plus de forces que pour tenir ce vieux pinceau en bois de chêne avec lequel il peignait la vie. Ce pinceau avec lequel il se laissa aller à quelques fantaisies, guidé par le chaleureux sourire de la Muse qu'il croyait être un ange. Une dernière touche rosée pour ce soleil fatigué et pourtant si beau, déclinant à la lune levante. Une dernière tracée de la promesse d'un lendemain nouveau. Puis c'était la fin. Puis c'était le sommeil éternel, calme et agréable. Alors Shiaress était partie seule, encore, laissant doucement la légère brise humide caresser ses interminables cheveux d'émeraudes. Elle s'arrête près d'une unique fleur plantée là, au milieu de ce grand manteau blanc, d'un rouge parfait, et seule. La Muse s'agenouille devant elle et lui sourit doucement, juste de quoi soulever un peu le coin de ses lèvres orangées.
- Aurais-tu besoin d'aide, toi aussi ? Je pourrais t'emmener avec tes semblables, par-delà la forêt. commença-t-elle de sa douce voix cristalline.Mais alors tout ne serait qu'éphémère, et tu ne réchaufferait plus le paysage.
Tout en effleurant ses pétales humides du bout des doigts, son esquisse disparue,et elle se releva pour reprendre sa route, lentement.
Quelle triste chose, cette disparition.